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plus nécessaire à la France que le trône même, puisque le trône peut faillir, et faillir si dangereusement en éloignant M. Guizot, tandis que M. Guizot, qui ne se trompe jamais, et qu’il faut rappeler sans cesse, est venu au monde pour réparer les fautes du trône et les erreurs où il se jette quand M. Guizot ne figure pas dans les conseils de la couronne.

Mais M. Guizot n’a jamais figuré, que nous sachions, dans ces conseils d’une manière à absorber en lui tout un système. Il y a été appelé deux fois, il est vrai, une fois avec M. Thiers et M. de Broglie, qui représentaient bien aussi quelque chose dans le conseil, et une autre fois, avec M. Molé, qu’on n’a jamais autant accusé d’impuissance et de faiblesse que depuis qu’il a eu la force et la volonté accomplie de résister à M. Guizot. Si M. Guizot a sauvé le trône dans les conseils du 11 octobre, assurément M. Thiers, qui exerçait un ascendant non moins prononcé dans ce cabinet, et qui occupait un poste bien autrement important et bien autrement dangereux que le ministère de l’instruction publique, où figurait M. Guizot ; M. Thiers a également sauvé le trône, et son absence actuelle du pouvoir n’est pas moins faite pour hâter l’accomplissement des sinistres prédictions de M. Fonfrède, que l’absence de M. Guizot ! Et si M. Guizot a de nouveau sauvé la France pendant la durée du ministère du 6 septembre, comme le proclament ses amis, n’est-il pas juste d’accorder une petite part de cette grande gloire à M. Molé, qui figurait humblement comme président du conseil dans ce nouveau ministère de M. Guizot ? Or, comme, de l’aveu même du journal de M. Guizot, le parti doctrinaire nous a procuré la victoire sur les factions, il faut espérer qu’il aura, quoique absent du conseil, la générosité et la clémence de laisser le trône jouir en paix de cette victoire, tout en le taxant d’ingratitude ; et, de la sorte, l’éloignement de M. Guizot et de ses amis, victorieux des partis, aura des conséquences moins terribles que si les partis étaient encore debout et puissans, comme le disent encore quelquefois, pour motiver les rigueurs du système doctrinaire, ces mêmes écrivains dont nous venons de recueillir les aveux.

Il est bon de s’entendre. Nous ne voulons pas diminuer le mérite de M. Guizot. Ce n’est pas nous qui avons jamais refusé de rendre hommage à ses talens, politiques et autres, et de reconnaître tout ce qu’il y a d’éminent dans son esprit ; mais notre culte n’est pas aveugle, et tout en voyant ce que M. Guizot a fait dans les divers ministères où il a figuré, nous voyons qu’il ne l’a pas fait seul, comme on voudrait nous le persuader. Quand M. Guizot gagnait des victoires pour la monarchie de juillet, M. Thiers, M. de Montalivet, M. Dupin, le maréchal Soult, M. d’Argout, et nombre d’hommes qui ne figurent pas dans le parti doctrinaire et que les journaux du parti n’ont pas admis dans la région des indispensables, se trouvaient, avec M. Guizot, dans un même camp, et