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REVUE. — CHRONIQUE.

prenaient part à la même impopularité, aux mêmes périls. C’était le système de résistance que Casimir Périer n’avait pas légué aux seuls doctrinaires, et qu’il eût sans doute continué sans eux, lui qui ne voulait pas s’écarter de la légalité. M. Thiers, alors ministre de l’intérieur, montait à cheval contre l’émeute, et faisait abattre sous ses yeux les barricades. Le maréchal Soult marchait en personne, avec M. le duc d’Orléans, contre Lyon révolté. M. Dupin ne quittait pas la tribune, où toute l’extrême gauche se ruait contre lui. Chacun faisait courageusement son devoir à son poste, depuis le chef de l’état et l’héritier du trône, qui payaient de leur personne au milieu des périls, jusqu’à M. Guizot, qui faisait aussi le sien en combattant les associations à la tribune, mais qui n’avait pas, lui ministre de l’instruction publique, à s’exposer aux balles comme le roi et le prince royal, les chefs de l’armée, comme le ministre de la guerre, et le ministre de l’intérieur, chargé de la tranquillité et de la police du royaume ; car, grace à Dieu, les écoliers n’avaient pas pris part à l’émeute, et les colléges royaux n’étaient pas insurgés. Les fatigues et les périls de l’œuvre de la résistance furent donc loyalement partagés par dix hommes de cœur, tous en première ligne, loyalement soutenus aussi par un grand nombre d’hommes moins éminens. Le parti doctrinaire, tel qu’il se compose aujourd’hui, se trouvait représenté parmi les premiers, par M. Guizot ; car M. Duchâtel, M. de Rémusat, M. Duvergier de Hauranne, et M. Piscatory, n’étaient encore que des jeunes gens pleins de bonne volonté, encore à naître dans la sphère politique, et ces chefs actuels du parti doctrinaire n’ont pas assisté de leur personne, que nous sachions, aux luttes de la tribune, non plus qu’aux luttes de la rue de cette terrible époque.

Après la victoire, un peu plus tôt, un peu plus tard, tous les hommes qui avaient triomphé, par leurs efforts, de la guerre civile, se répartirent selon leur manière d’envisager la nouvelle situation. Ici M. Thiers, là M. de Montalivet, ailleurs le maréchal Soult, tous plus ou moins influencés par les évènemens du dehors et du dedans. Ils avaient soutenu en commun la dynastie de juillet. Depuis, chacun d’eux s’est placé selon ses convictions, mais nul d’eux n’a déserté le pouvoir. Autrefois ils étaient tous réunis dans une pensée commune, quand le trône, encore neuf, vacillait sous les mains qui cherchaient à le soutenir. Sept années de règne l’ont affermi ; il est solide aujourd’hui, qui le niera ? Alors on ne connaissait encore que les vertus privées du duc d’Orléans, ses goûts de prince et ses mœurs de simple citoyen ; comme roi, comme prince ferme et modéré, courageux et patient à la fois, il était encore nié par un grand nombre. Mais à mesure que son influence a augmenté, que la confiance publique s’est ralliée à ses prudentes vues, à mesure que la nécessité du roi (avouons-le, au risque de déplaire à M. Guizot et à ses amis, la seule