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Nous avons suivi attentivement les débats de l’affaire d’Alger. M. Guizot y a développé son système d’occupation pacifique. M. Guizot, qui tient à établir, en France, le règne de la force, ne veut dominer en Afrique que par les idées. Aux Arabes et aux Kabaïls, M. Guizot garde sa mansuétude et tout ce qu’il a de conciliation dans l’esprit. La rudesse et la violence de son système politique ne s’adressent qu’à ses compatriotes, aux barbares de Paris, de Bordeaux, de Strasbourg, de Lyon. Quant aux têtes éclairées du Tafna, de la Shika, aux ames si accessibles à la persuasion qu’on trouve dans les montagnes de l’Atlas et dans la plaine de la Mitidja, M. Guizot s’oppose à ce qu’on songe à les vaincre autrement que par la douceur et les remontrances philosophiques. Rien de plus paternel et de plus édifiant que le système doctrinaire en Afrique ; et il fera bon sans doute de passer quelque temps en Algérie à l’avénement du ministère pur sang. Dans cette même discussion, M. Thiers a fait entendre un langage plein de chaleur et de dignité. La France, a-t-il dit, ne doit et ne veut pas abandonner Alger. Mais pour arriver à cette occupation définitive, pacifique, s’il est possible, militaire toutes les fois qu’il le faudra, la France devra faire ce qu’elle n’a pas encore fait : avoir un but, une pensée, faire bien la guerre pour ne plus la faire après, la faire sur une grande échelle, sans marchander, sans regretter les sacrifices, sans vouloir reprendre, homme par homme, écu par écu, les subsides qu’elle a votés.

Ajoutez à ces pensées tout l’éclat, toute la verve de la parole de M. Thiers, et vous aurez à peine une idée de l’effet produit par ce discours, après lequel la chambre, entraînée de nouveau par M. Guizot, se trouvait entre la guerre et la paix, entre le système de conquête indéfinie et le système d’occupation timide, restreinte et réduite à ses moindres limites. Il y avait donc à opter entre deux conseils qu’il n’était pas facile de suivre. La prétendue incapacité du cabinet a jugé ce qu’il y avait à faire, et la chambre l’a suivi dans cette voie. Ce qu’il fallait faire, c’était de réparer le désastre essuyé en Algérie par nos armes, de rétablir notre suprématie ébranlée, de soumettre Abd-el-Kader, de marcher en maîtres du Tafna à Constantine ; c’était de faire d’abord la guerre comme le veut M. Thiers, une guerre vigoureuse ; et, à l’heure où nous écrivons, on la fait. Puis, quand la guerre nous aura rendus forts, puissans et respectés, le temps viendra de songer au système de M. Guizot, et de voir si on peut obtenir plus en Afrique par les négociations que par les armes. Il en sera de ceci comme de l’acte de clémence royale, qui trouve peu d’écho dans le parti doctrinaire ; le succès justifiera ou condamnera la mesure qu’on prend. Toutefois, si le ministère a peu parlé dans la discussion, on ne niera pas qu’il n’ait tiré quelque parti des lumières qui en ont