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mens coloniaux, qui seraient ruinés faute de bras. La loi doit être conçue dans l’intérêt de tous ; celle-ci ne profiterait qu’à l’esclave. Pour le maître, c’est une expropriation sans cause d’utilité publique, une expropriation sans équitable indemnité ; car le rachat ne serait qu’un remboursement du prix d’acquisition, tandis que l’indemnité doit comprendre celui de la propriété matérielle, terres et bâtimens, rendus sans valeur par la libération des travailleurs.

La plupart des membres des conseils soutiennent d’ailleurs que de telles ordonnances dépassent les pouvoirs de la couronne et même ceux de la législature ; que tout changement dans le sort des esclaves est une question de régime intérieur, qui rentre essentiellement dans les attributions des conseils coloniaux.

À Bourbon, des journaux ayant discuté des questions relatives à l’émancipation des noirs, on a proposé d’abolir la liberté de la presse, introduite dans la colonie depuis 1830, et cette motion a été adoptée à la majorité de treize voix contre cinq.

Des lettres de la Martinique annoncent que si la métropole retardait l’émancipation des esclaves, les colons seraient obligés de la solliciter « Nos esclaves, y est-il dit, que la consolante idée d’une liberté prochaine rendait paisibles, ont perdu tout espoir ; ils désertent par masses, quelques mesures que l’on prenne pour les en empêcher, et se réfugient dans les colonies anglaises. On a déjoué, dans la commune du François, une tentative de plus de cent cinquante noirs de diverses habitations, qui avaient le projet d’enlever un bâtiment et de gagner Sainte-Lucie. Des évasions ont eu lieu sur de simples radeaux : ni les dangers de la mer, ni la perspective de la misère, chez les Anglais, n’arrêtent les fugitifs. Le désir de l’émigration est permanent, universel. Quinze esclaves ont été arrêtés, fuyant vers la Dominique : deux ont péri dans les flots, lors de la capture ; les treize autres ont été renvoyés aux assises. Un d’entre eux s’est laissé mourir de chagrin. Le recours en cassation est fermé aux esclaves. »

« De tout ceci il résulte que les esclaves n’ont plus de valeur vénale à la Martinique. Les plus beaux n’atteignent pas 600 fr. (300 fr. de France). On en vend, dans les successions et aux enchères, 10, 20, 40, 50, 100 fr., valeur coloniale. »

Il est donné lecture d’une proclamation du marquis de Sligo, publiée lors de la clôture de la session de la Jamaïque, le 15 juin 1836. Cette proclamation apprend que, si la récolte a été moins productive qu’à l’ordinaire, c’est par des causes accidentelles qui n’ont rien d’alarmant. Le travail est en progrès dans la colonie, et chaque jour accroît la bonne intelligence entre les affranchis et les propriétaires ; les capitaux sont abondans, et le prix des terres a beaucoup augmenté.

M. de Saint-Anthoine annonce que, malgré les obstacles et les dangers auxquels sont exposés, aux États-Unis d’Amérique, ceux qui se déclarent partisans de l’émancipation des nègres, le nombre des sociétés abolitionnistes s’y élève, en ce moment, à quatre cent quarante.

Il est fait hommage à la société des premiers numéros d’un nouveau journal littéraire et scientifique, le Républicain, rédigé par de jeunes Haï-