ment unique et universel. Le génie d’un peuple, dit Hegel (t. ii, p. 291), se trouve nécessairement en rapport avec sa position géographique, c’est-à-dire avec la place qu’il occupe dans l’espace, et non moins nécessairement avec le rôle qu’il doit jouer, dans l’histoire, c’est-à-dire avec sa place dans le temps. » Citons encore. L’axiome favori de Spinosa était celui-ci : « Chaque peuple doit garder la forme de gouvernement sous lequel il existe. (T. ii, page 277.) » Leibnitz, chrétien de cœur, mais panthéiste dans ses hypothèses, est conduit à l’optimisme en disant que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Arrivé à Schelling et Hegel, M. Barchou rappelle cette parole d’un écrivain allemand, M. Heine : « Si la philosophie de Schelling et de Hegel eût été plus répandue en France, la révolution de juillet n’eût pas été possible. » Niera-t-on encore que le panthéisme, quand il est d’accord avec lui-même, n’a pas d’autre rôle que la contemplation immobile de soi dans l’univers, et de l’univers en soi ? Et, en effet, peut-on songer raisonnablement à changer de condition, quand on se sent un des plus favorisés entre les dieux de première classe, capable en outre de comprendre l’idée, et de saisir l’absolu ?
Après avoir excité en Allemagne une commotion d’enthousiasme, après avoir introduit chez nous le fatalisme dans l’histoire, et dans la critique une phraséologie lourde et pédantesque, le transcendantalisme est, dit-on, tombé au-delà du Rhin dans un engourdissement mortel. Le discuter sérieusement aujourd’hui, ce serait peut-être s’attaquer à une ombre. L’engouement, si voisin du mépris, les continuelles oscillations de renommée, ne sont-ils pas la plus cruelle satire du philosophisme ? Citons un autre exemple plus frappant encore que le premier. On a publié récemment un livre où l’homme qui, depuis deux siècles, a régné paisiblement sur la science expérimentale et la philosophie, où Bacon est traité de misérable tête, accusé d’incapacité absolue, essentielle, radicale ! et ce livre a pour auteur, non pas une tête légère et misérable, mais un penseur célèbre, un chef à la parole ardente, qui a puissance d’entraîner après lui une grande fraction de la société ! Dans un ouvrage qu’il n’a pas publié de son vivant, sans doute pour éviter le reproche de paradoxe[1], le comte Joseph de Maistre s’offre à démontrer que la méthode rationnelle proposée dans le Novum Organum, à la place de l’ancienne syllogistique, est fausse et sans portée ; que toutes les sciences étaient en progrès quand Bacon parut, et qu’il est ridicule d’attribuer à celui-ci une impulsion dans l’ordre scientifique. Suivant page à page le chancelier an-
- ↑ Examen critique de la philosophie de Bacon, œuvre posthume de J. de Maistre, 2 vol. in-8o ; chez Perisse, place Saint-Sulpice.