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prête et peut devenir au contraire, quand le pays le voudra, leur titre et leur instrument légal, l’intérêt le plus vrai de la France n’est pas dans une révolution nouvelle, mais dans le développement de la révolution accomplie. Il importe de prouver aux ennemis de la liberté moderne, que non-seulement elle connaît les combats, mais les haltes salutaires, mais l’habileté qui conserve le pouvoir après l’avoir conquis. Il faut que la société française puisse s’enorgueillir un jour de la victoire de 1830, qu’elle puisse offrir de notables résultats pour le commerce, l’industrie, l’art et la pensée. C’est dans le culte des idées, dans la pratique et la réforme légale de nos institutions, dans la dignité de la France vis-à-vis les autres peuples, dans une application légitime, donnée à propos et avec mesure à l’esprit militaire, dans une intelligente mise en œuvre de toutes les qualités nationales, qu’il faut chercher aujourd’hui les moyens de gouverner.

On ne saurait nier que depuis un mois les affaires publiques se sont améliorées ; on peut dire que les opinions du centre gauche sont au pouvoir, si tous les hommes qui le représentent en première ligne n’y sont pas ; mais ces hommes ont sagement pensé que la prise de possession par leurs tendances même, plutôt que par leurs personnes, était aujourd’hui le plus grand intérêt ; ils ont noblement soutenu une administration qui n’est pas encore la leur ; ils ont gouverné en dehors ; et ils n’ont pas été généreux inutilement pour eux-mêmes. Au surplus, dans ce petit ministère qui a pris la plus grande mesure décrétée depuis six ans, est-il hors de propos de louer l’habileté de M. Molé ? Il a su tout à la fois congédier le terrible rival qui s’était vanté de le mener ou de l’expulser à sa fantaisie, et il s’est rapproché du centre gauche, que son avénement au 6 septembre avait un peu éloigné de lui. Du reste, M. Molé a toujours eu la pensée d’accepter la lutte avec M. Guizot ; il avait avisé, dès l’origine, à toutes les précautions nécessaires pour ne pas tomber ; il avait saisi l’occasion à la chambre des pairs, dès le commencement de la session, de déclarer qu’il n’avait pris le pouvoir à personne ; il a toujours cherché à séparer sa fortune des âpretés intolérantes qui s’agitaient autour de lui, et il a eu pour instrument de ses desseins l’élégante tenue d’un caractère qui s’est fait agréer et estimer de tout le monde. Peut-on refuser à M. de Montalivet un sens ferme et droit, du bonheur