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REVUE. — CHRONIQUE.

et la générosité n’est permise qu’à ceux qui ont combattu. Nous n’avons jamais admis la possibilité de l’amnistie qu’à la condition qu’elle fût tout à la fois le dernier triomphe et la confirmation de la politique forte qui a fait le salut et la gloire de cette monarchie. » — En d’autres termes, nous voulions l’amnistie, quand nous aurions épuisé toutes les rigueurs ; nous voulions l’amnistie, quand nous aurions destitué tous les fonctionnaires qui n’ont pas pour principe de voter en toutes choses pour tous les ministères qui se succèdent ; nous voulions l’amnistie, quand nous aurions fait passer la loi sur la liberté individuelle que méditait M. Guizot ; nous la voulions, mais après avoir étouffé de nos mains les libertés publiques, c’est-à-dire quand il eût été assez indifférent d’être dans les prisons ou hors des prisons ; quand la prison eût été partout, nous eussions consenti à vider celles que nous n’aurions pu remplir davantage. Mais pour arriver là, il fallait nous laisser encore quelques années au pouvoir, afin de nous donner le loisir de mener jusqu’au bout notre système et de voir jusqu’où pouvait aller la patience du pays. — Voilà comment on peut expliquer cette pensée de clémence unie à la force. On pourrait aussi demander si la force s’est retirée du pouvoir en même temps que M. Guizot sortait du ministère de l’instruction publique, et M. de Rémusat de son bureau de sous-secrétaire d’état, et si la faiblesse y est entrée avec M. de Montalivet et M. Barthe, deux collègues de Casimir Périer ; mais ce serait trop souvent répondre à des fanfaronnades dont nous avons encore tout récemment fait justice, et suivre avec trop d’assiduité le dépit dans toutes les formes qu’il prend pour s’exhaler sous l’apparence de l’amour de l’ordre et de la sollicitude pour le bien du pays.

Nous n’ajouterons qu’un mot. Ce qui doit frapper principalement les esprits calmes et droits, c’est le regret, vraiment comique, qui s’échappe involontairement à chacun des actes du ministère. Est-ce l’amnistie ? On voudrait l’avoir faite. On l’eût faite certainement. L’ouverture de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois ? Mais c’est la conséquence directe du système qu’on suivait ! On y eût songé sans nul doute. Le temps, l’occasion seuls ont manqué. Aujourd’hui, on dit déjà que ceux qui ont ouvert cette église, n’ont agi que par esprit de parti, et demain on s’écriera, sans doute, que la messe de Saint-Germain-l’Auxerrois est une immoralité de plus à ajouter à toutes les autres. Il en sera ainsi de tout ce que fera le ministère, nous entendons de tout ce qu’il fera de bien ; ce seront autant de vols faits au parti doctrinaire, qui n’accorde pas au pouvoir le droit de se faire petit, mais qui s’efforce de le rapetisser par tous ses actes et par tous ses écrits, tant qu’il ne se trouve pas dans ses mains.