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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/691

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SITUATION DE L’ORIENT.

le ministre de l’intérieur, Pertew-Effendi, la direction suprême des affaires, a été disgracié et remplacé, sous prétexte de vieillesse, par Halil-Pacha, son gendre, personnage beaucoup moins considérable et hors d’état de balancer l’influence de Pertew. En même temps, Muchir-Achmet-Pacha a reçu la charge de grand-amiral, enlevée à Tahir-Pacha, qui était occupé à faire la guerre dans la régence de Tripoli. Ces changemens, dont l’importance politique tient surtout à ce qu’ils livrent les destinées de l’empire aux passions de Pertew-Effendi, à son esprit aventureux, à sa haine pour les chrétiens, ne s’expliquaient pas d’eux-mêmes. On savait que le sultan conservait encore un grand attachement pour Khosrew-Pacha, et que Muchir-Achmet-Pacha n’était plus son favori. Mais ils coïncidèrent avec un évènement qui mit sur la trace de leur cause probable : c’était l’envoi de Sarim-Effendi auprès du pacha d’Égypte, mesure inattendue et d’un caractère singulier. Sarim-Effendi est une créature du nouveau capitan-pacha Muchir-Achmet. La Porte elle-même a d’abord assigné pour but officiel à la mission de Sarim-Effendi des réclamations pécuniaires auprès du vice-roi, sur les tributs arriérés de l’île de Candie. Cependant on soupçonnait une négociation politique, pour laquelle le divan n’avait pas cru devoir consulter les alliés de la Porte, mais qui se rattachait peut-être à des ouvertures faites, à des avis donnés sans caractère officiel, bien que ce fût de très haut, par un diplomate dont le sultan accueille les paroles avec une juste confiance. Ceci mérite explication.

Dans le cours de l’année dernière, un rapprochement dont le principal mérite appartient à Mehemet-Ali, et auquel le consul de France en Égypte[1] avait efficacement travaillé, s’était opéré entre le sultan et son puissant vassal. Quelques milliers de bourses, envoyés à propos, avaient singulièrement facilité le paiement du

  1. Cet agent était M. Mimaut, consul-général et chargé d’affaires de France en Égypte, qui avait conquis l’estime et l’amitié de Mehemet-Ali sans flatter ses passions, sans lui faire entendre d’autre langage que celui de la raison et de la vérité, et sans jamais sacrifier la politique du gouvernement à son admiration connue pour l’homme étonnant dont il suivait les merveilleuses créations avec un si vif intérêt. M. Mimaut, à peine arrivé en France, y est mort d’une attaque d’apoplexie, à l’âge de soixante ans. Il avait rendu les plus grands services au commerce français en Égypte, et la ville de Marseille l’avait comblé, à son retour d’Alexandrie, des plus honorables témoignages de sa reconnaissance.