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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/748

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cessaire pour composer une mythologie. Cependant ils ont trouvé commode de s’emparer de la mythologie toute faite du brahmanisme, sans renoncer à y joindre leurs propres inventions : d’ailleurs c’est du brahmanisme qu’ils sont sortis ; ils ont jeté d’abord une secte réformée qui, peu à peu, est devenue une religion indépendante et hostile. Aussi ils ne rejettent point Brahma, ils ne l’excluent point du panthéon bouddhique, mais ils lui assignent une place inférieure à Bouddha.

Cette place varie dans les divers traités mythologiques. Tantôt on lui donne à gouverner la plus grande des trois agrégations de l’univers, qui contient, avec beaucoup d’autres choses, mille millions de soleils[1] ; c’est ce qu’on peut appeler un pis aller assez consolant et une retraite fort honorable ; tantôt il est un personnage beaucoup moins imposant, il est seulement « le premier des vingt dieux qui sont nommés comme ayant des fonctions et une protection à exercer à l’égard des autres êtres. On lui donne le titre de roi, faible dédommagement du rang de Dieu suprême ; — il est strict observateur des préceptes et sait gouverner la troupe des brahmanes. » — Ici l’arrogance du culte nouveau et triomphant perce à travers les hommages un peu dérisoires qu’elle accorde à l’ancienne divinité détrônée par Bouddha. C’est comme le pacifique royaume du Latium donné au bonhomme Saturne en dédommagement de l’Olympe où s’assied Jupiter.

Ailleurs le bouddhisme a pactisé moins arrogamment avec le brahmanisme. Il a conservé à la trinité brahmanique son triple rôle de création, de conservation et de destruction ; seulement il a fait émaner les trois grands dieux, Brahma, Vichnou et Siva, ainsi que les dieux inférieurs, du suprême Bouddha. Tels sont les arrangemens, et, pour ainsi dire, les traités qu’ont faits ensemble les deux religions. Telles sont les conditions qu’a imposées et les indemnités qu’a octroyées le dieu vainqueur aux dieux vaincus.

Quant au dogme proprement dit, je ferai seulement remarquer qu’il a produit ce qu’il est dans l’essence de tout dogme fécond de produire : l’hérésie ; il est souvent question, dans le voyage de Fa-Hian et dans d’autres livres bouddhiques, des philosophes hétérodoxes. Du temps de Bouddha, il y avait déjà, selon la tradi-

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