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HISTOIRE LITTÉRAIRE.

fort bien de ne pas dénigrer Pindare, comme faisait de La Motte ; mais que penser de Congreve, qui, sur le modèle de la première olympique, compose une ode à grandes images, dont le héros est Godolphin, ministre de la trésorerie, et l’épisode, les chevaux qui promenaient dans Hyde-Park la calèche du noble lord ? Pindare, je le sais, faisait grand cas de l’or, et des vainqueurs qui payaient bien : mais cela disparaît pour nous dans le lointain magique de l’antiquité ; tandis que, dans nos temps modernes, en France, en Angleterre, on rira toujours un peu d’une ode pindarique adressée au ministre des finances. Le duc de Marlborough pouvait mieux supporter cet appareil ; et toutefois les odes pindariques que lui décerne Congreve me choquent toujours par ce placage de couleurs antiques sur l’homme moderne, le courtisan gagneur de batailles, doté de grosses pensions par ses amis du parlement. Toute la poésie anglaise de ce temps, correcte, élégante, rapprochée du goût français, me paraît avoir tour à tour l’inconvénient d’ennoblir à faux les idées modernes par des imitations de l’antiquité, et d’affaiblir la simplicité antique par une élégance de cour : voyez Addison, voyez Congreve, voyez l’Iliade de Pope. Mais laissons un moment la poésie, pour étudier le mouvement général des esprits en Angleterre.

L’autorité des whigs commençait à peser au pays. La guerre glorieuse qu’ils faisaient soutenir par les armes anglaises, semblait longue et stérile. Il se fit un retour d’opinion ; on invoquait, contre la domination légale et parlementaire des ministres, jusqu’aux vieilles maximes de l’obéissance passive envers le trône ; on résistait en flattant. Un prédicateur fanatique, le docteur Shaverell, en prêchant le pouvoir absolu à Saint-Paul et dans plusieurs comtés d’Angleterre, excitait un enthousiasme extraordinaire, et comme une émeute de servitude. La portion même du public anglais la moins faite pour céder à ce prestige, beaucoup d’amis de la constitution se réunissaient aux tories par cette défiance et cette jalousie contre l’armée, si naturelle dans un état libre. À toutes ces causes publiques de changemens, se mêlaient des impatiences de femme, qu’avait excitées, dans l’esprit si long-temps docile de la reine Anne, l’impérieuse fierté de la duchesse de Marlborough.

Enfin, après la suppression du parlement d’Écosse et la réu-