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nion politique des deux royaumes, la reine se sentit assez maîtresse pour se passer des whigs, qui, par cette mesure, avaient fortifié le pouvoir du trône, en croyant n’opposer qu’une barrière au prétendant. Elle changea son ministère. Alors vint l’administration tory de Bolingbroke et d’Oxford, marquée par des victoires, et qui faillit l’être par une révolution. C’était, à travers bien des transformations, le dernier combat rendu par l’esprit de l’ancienne monarchie anglaise ; et il est remarquable que cet effort impuissant ait concouru avec la fin même du règne de Louis XIV, et ait paru placé sous l’influence de son génie mourant.

Dans cet intervalle, la paix d’Utrecht fut signée ; l’Angleterre brilla de tout l’éclat de la politesse et des arts. Les luttes des partis se dessinèrent sous des formes plus savantes et plus modérées. La haute littérature devint la haute politique.

Swift, un simple ecclésiastique anglican d’une paroisse d’Irlande, protégé dans sa jeunesse par le célèbre Temple, et venu à Londres avec le goût des vers et le talent de la polémique, fut le principal conseiller du ministère. Avec lui commence en Angleterre la grande autorité des écrits périodiques, et cet usage de traiter dans les journaux la politique, la religion, la morale, usage qui est aux livres imprimés ce que les livres imprimés furent à l’écriture.

Il avait paru, pendant la révolution de 1640, plusieurs journaux anglais, le Mercurius politicus, le Mercurius aulicus, rusticus ; mais cette mode n’avait été, comme la publication même des discours du parlement, qu’un droit momentané, et, pour ainsi dire, une licence de guerre civile. Cromwell et les Stuarts avaient ramené la censure ; elle dura même pendant les six premières années de Guillaume.

Plus tard parurent deux recueils puritains, la Revue de Foe, l’auteur de Robinson, l’Observateur de Lestrange, et la Répétition, journal jacobite.

Enfin, Steele commença le Babillard, plus littéraire que politique, et Addison son Spectateur, généralement dicté par la saine philosophie et le bon goût. Mais, pour la verve politique, rien n’est comparable àl’Examinateur de Swift, qui parut en 1710, et était destiné à humilier Marlborough, au profit du ministère qui se servait de ses victoires pour préparer la paix.