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LE PORTUGAL AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

séparée ? Guillaume IV n’était-il pas Hanovrien en Allemagne et Anglais en Angleterre ? Bien plus, le roi d’Espagne ne s’appelait-il pas alors Ferdinand VII en Castille et Ferdinand IV en Navarre ? Pourquoi don Pedro Ier n’eût-il pas été Brésilien à Rio et don Pedro IV Portugais à Lisbonne ? Un exemple plus frappant, un antécédent plus grave encore n’existe-t-il pas dans l’histoire même du Portugal ? Qu’on se rappelle qu’après la déchéance de Sanche II, les cortès reconnurent pour roi Alphonse III, quoiqu’il fût comte souverain de Boulogne, marié en France et même naturalisé Français ; mais il était Portugais par le sang, et cela leur suffit.

Quoi qu’il en puisse être, et sans s’arrêter à une discussion oiseuse, il est certain au moins en fait que tous les corps constitués en Portugal, aussi bien que toutes les cours étrangères, considérèrent d’abord l’abdication contenue dans la déclaration du 2 mai 1826 comme un acte essentiellement libre de don Pedro, déterminé seulement par le danger de conserver les deux royaumes avec une administration séparée. Dès-lors il pouvait attacher à son abdication en faveur de sa fille des conditions qui la résiliaient de droit par leur non-accomplissement. C’est ce qu’il fit en ne renonçant à ses droits en faveur de dona Maria II, que sous condition de prestation de serment à la charte qu’il venait d’octroyer et du mariage de cette princesse avec l’infant, son oncle.

Les actes de l’empereur arrivèrent successivement à Lisbonne, à commencer par celui qui instituait la nouvelle régence. La charte parut enfin, mais sous le patronage de l’étranger, portée par un homme dont le nom rappelait au Portugal des souvenirs de vasselage et d’humiliation[1].

Néanmoins, pendant quelques jours, la majeure partie de la haute noblesse fut dans la joie en voyant s’ouvrir devant elle la perspective d’une existence politique bien autrement importante que sa domesticité de cour. Tous les fidalgues ayant un titre de grandesse, c’est-à-dire tous les ducs, marquis et comtes, avec les archevêques et évêques, furent appelés à composer la nouvelle chambre des pairs.

Si cette organisation avait pour l’empereur et ses conseillers bré-

  1. Sir Charles Stuart, ministre d’Angleterre en Portugal lors de l’invasion française, avait fait partie de la régence instituée par le prince régent pour gouverner le royaume en son nom. Ce même agent diplomatique fut nommé, en 1825, par le roi Jean VI, son ambassadeur au Brésil, où il cumulait de la façon la plus étrange deux caractères et deux nationalités. Un tel fait en dit plus que tous les autres sur l’indépendance politique du Portugal.