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siliens, assez ignorans de l’état du Portugal, l’avantage de pouvoir, être faite en copiant l’almanach de la cour ; si elle contribua même à donner à cette pairie, pendant sa courte existence, une sorte d’unité et de force de résistance, elle n’en fut pas moins une des causes qui hâtèrent le plus la chute du gouvernement constitutionnel. La noblesse provinciale, très forte surtout dans les deux Beyra et le Traos-Montes, où elle exerce une bien autre influence que les titrés de cour, vit avec une universelle indignation cette ligne profonde de démarcation établie entre elle et la fidalgie. Les gentilshommes de province s’étaient toujours attachés à l’effacer, et la plupart d’entre eux, d’une noblesse aussi ancienne et plus pure que celle de tant de grands élevés par la faveur ou l’immoralité, se révoltèrent à l’idée de voir tel millionnaire, ennobli de la veille, siéger dans une chambre dont l’accès leur était interdit. C’est en très grande partie à cette cause que dut être attribuée la première insurrection miguéliste dans le nord du royaume, à laquelle un seul pair, le marquis de Chavès, prit une part active, et où il fut secondé par un si grand nombre de gentilshommes au titre de vicomtes, que l’insurrection du Tra-os-Montes n’est jamais désignée en Portugal que par le nom de : guerre des vicomtes.

Quand les premiers mouvemens d’amour-propre furent passés, et qu’on eut savouré plusieurs jours le plaisir de se sentir quelque chose et d’essayer son manteau de pair, on en vint à des réflexions plus sérieuses. L’on vit clairement que la charte royale était tout aussi menaçante que la constitution de 1821 pour la noblesse, la magistrature, le clergé, les ordres militaires, en un mot pour toutes les existences antiques. Il importait, en effet, fort peu qu’elle émanât d’une autre source, et qu’elle consacrât quelques principes différens, si les conséquences pratiques devaient être les mêmes. Or, c’était là ce qu’on ne pouvait méconnaître à la simple lecture de ses dispositions.

Cette charte promettait une réforme de toute l’administration provinciale (art.  132) ; elle établissait des chambres municipales électives (art. 134 et 135), un nouveau système financier, fort bien entendu, du reste, et qui n’avait que le tort d’armer contre lui une foule d’intérêts. La charte établissait également le jugement par jury (art. 118), la publicité des procédures (art. 116) ; elle instituait des tribunaux de paix (art. 127), et substituait une organisation absolument nouvelle à l’antique hiérarchie judiciaire et seigneuriale. Elle stipulait qu’aux chambres seules appartiendrait la disposition des