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cendant de cette femme, douée par la nature d’une immense puissance pour haïr et pour souffler en d’autres cœurs le feu de ses mortelles inimitiés ? Deux fois, son fils avait été l’exécuteur presque passif de ses inflexibles volontés ; à vingt-quatre ans, il se retrouvait sous sa main comme un roseau pliant, tel qu’un être incapable de lutter contre son génie. Elle ne tarda pas à fixer les irrésolutions de l’infant, à le déterminer à entrer sans crainte et sans remords dans la voie qui s’ouvrait pour monter à ce trône disputé.

Le 26 février, des salves de toutes les batteries du Tage avaient annoncé au Portugal et à l’Europe le serment prêté par don Miguel, sur les saints évangiles, à don Pedro et à la charte. Le lendemain, le lieutenant-général régent du royaume composait un ministère dont le choix indiquait d’avance le prochain avenir réservé à la constitution et rendait facile le développement des projets ultérieurs. Une opposition impuissante tenta d’abord de se produire à la chambre des députés ; mais toute force morale se retirait graduellement du corps constitutionnel. Les acclamations à don Miguel Ier, roi absolu ! devenaient à chaque instant plus fréquentes. Interdites d’abord, elles furent, le second jour, ostensiblement soudoyées par la reine et par la cour. Quelques membres des deux chambres essayèrent en vain de protester par des propositions d’adresses contre des projets qu’on ne dissimulait plus. Celle des députés avait perdu tout espoir de conjurer l’orage, et ses membres les plus importans ne songeaient plus qu’à fuir une capitale que de grands désordres ne pouvaient manquer d’ensanglanter. La chambre des pairs, sans voir tout entière avec plaisir le changement de souveraineté, abonda dans un sens qui consacrait ses intérêts de fortune et de caste. Un décret[1] cassa la chambre des députés, et dès ce moment l’infant accueillit ouvertement les députations des villes et municipalités par lesquelles il était supplié d’abolir la charte et de prendre le titre de roi, d’après la vieille loi de Lamego, de nouveau sanctionnée par les états de Lisbonne, en 1641, lors de l’érection de la maison de Bragance. Ces adresses furent soutenues par des mouvemens militaires qui éclatèrent en même temps sur divers points, à Coïmbre, Setuval, Viana, Bragance.

L’infant répondit que cet objet devait être discuté par les cortès du royaume. Un décret publié con a real rubrica[2] convoqua le

  1. 12 mars 1828.
  2. 6 mai.