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REVUE. — CHRONIQUE.

On assure que l’Angleterre a refusé sa garantie à l’emprunt espagnol. Les secours accordés par la France et par l’Angleterre à l’Espagne prouvent assez l’intérêt que ces deux puissances portent à ce malheureux pays ; mais la responsabilité d’une garantie, et de la garantie d’un emprunt espagnol, sortait des limites qu’ont dû s’imposer les cabinets anglais et français. Une telle garantie serait aussi dispendieuse qu’une intervention, et elle n’aurait pas, pour la reine, les mêmes chances de réussite. Le système qui repousse l’intervention, devait donc logiquement repousser l’autre mesure ; et en ce point, comme sur tant d’autres, l’Angleterre s’est encore trouvée d’accord avec la France.

On a aussi parlé ces derniers jours du départ du maréchal Clausel, qui serait appelé au commandement en chef de l’armée espagnole. Ces bruits nous semblent dénués de fondement. Nous n’avons pas oublié ce qui se passa lors du ministère de M. Thiers. Quand ce ministre conçut le dessein d’envoyer un corps français de vingt mille hommes en Espagne, il fit proposer au gouvernement de la reine de donner le commandement de ce corps au maréchal Clausel, qui devait avoir aussi sous ses ordres le corps anglais et le corps portugais, ce qui l’eût amené plus tard à prendre le commandement de l’armée espagnole. Les officiers anglais avaient demandé eux-mêmes à être commandés par un général français. Le gouvernement de la reine refusa ces propositions, alléguant que les généraux et officiers espagnols seraient mécontens, et feraient manquer les opérations du maréchal. En effet, la jalousie des généraux espagnols est sans bornes. Ils n’ont rien négligé pour dégoûter la légion étrangère et les soldats d’Evans, et n’ont cessé de leur tendre des piéges jusqu’au dernier moment. Les généraux ne manquent pas à la reine. Le baron de Meer est, dit-on, un officier très capable. Ce qui manque, c’est l’argent pour payer les troupes, et empêcher la désertion. Si on avait de l’argent, tout changerait de face. La responsabilité ministérielle a reculé devant la garantie de l’emprunt. Peut-être est-il quelque autre moyen de rendre des services pécuniaires à l’Espagne ; mais envoyer le maréchal Clausel ne remédierait à rien, et l’envoyer sans argent, ce serait lui préparer une expédition plus désastreuse encore que celle de Constantine.

L’activité du ministère se tournera sans doute, dans l’intervalle des deux sessions, sur les affaires extérieures. Il paraît certain que l’expédition de Constantine va avoir lieu. Les ordres ont été déjà donnés pour les préparatifs, et à moins que Achmet Bey ne se soumette, nos troupes ne tarderont pas à agir dans cette partie de l’Algérie. À coup sûr, ce n’est pas là de la faiblesse. Le traité avec Abd-el-Kader a été envoyé au général Bugeaud avec quelques modifications importantes, et si ce chef les accepte, on aura rétabli nos relations avec les Arabes, sans qu’il en coûte rien à l’honneur de la France. Le droit de frapper monnaie à son effigie, droit souverain, et celui d’apposer son cachet à un traité où se trouverait la signature royale, ont été refusés, entre autres conditions, à Abd-el-Kader. Toutes les précau-