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est double ; il lutte contre une puissance sur laquelle il doit pouvoir s’appuyer sans arrière-pensée.

La fortune de l’Opéra dépend, à cette heure de Duprez. C’est là une grave responsabilité que le succès lui donne, et qui pourrait devenir peut être dangereuse un jour, si l’administration ne cherchait à la diminuer en appelant à ses côtés des voix plus dignes de la sienne. On parle de l’engagement de Mme Stroltz, que des études, désormais indispensables, de vocalisation tiendront jusqu’à l’hiver éloignée de la scène. On ne peut qu’applaudir à une pareille mesure, surtout quand on assiste à la décadence de tant de jeunes talens qui s’annonçaient si bien, et qui, pour avoir tout sacrifié à l’exagération dramatique, périssent dans le découragement et l’indifférence du public. Il faut absolument que la troupe de l’Opéra se renouvelle, et que la réforme commencée par Duprez d’une si vaillante façon s’accomplisse jusqu’au bout. Trois sujets bien choisis y suffiront ; en Italie ou en France, qu’on les trouve, et qu’on les produise au plus vite à la place de tous ces petits talens avortés ou vieillis, trop verts ou trop mûrs, qui réclament l’école ou la retraite.


— Il a déjà été question dans la Revue (livraison du 18 octobre 1833) d’une notice sur M. Thurot, due à la plume attique d’un des plus savans représentans actuels de l’école du xviiie siècle. Cette notice avait paru à la tête de l’ouvrage de M. Thurot sur l’Entendement et la Raison. Un nouveau volume, tiré à petit nombre[1], comprend les Leçons de grammaire et de logique, et complète ainsi la partie originale des travaux de M. Thurot. La préface qui précède cette publication est un digne appendice au morceau dont nous avons déjà parlé, et elle se distingue par les mêmes qualités de clarté ingénieuse et de solidité polie. La première notice avait fait aimer dans M. Thurot l’homme probe et modeste, le philosophe érudit de cette école qui, par Garat, Cabanis, M. de Tracy et Condorcet, remontait à Bacon, et surtout à Gassendi. La préface du nouveau volume expose, avec un bon ton simple et pourtant cultivé, les idées de M. Thurot sur la grammaire générale et la logique, idées qui continuent dignement, sur un autre point, les théories exposées dans l’ouvrage sur l’Entendement et la Raison. Aux yeux de ceux-là même qui aiment à remonter plutôt à Leibnitz ou à Descartes qu’à Condillac et à Locke, ce livre, apprécié au point de vue où il a été écrit, n’est pas un fils illégitime des bonnes traditions du xviiie siècle, auquel il se rattache par la limpidité de la forme et la précision de l’analyse, non moins que par le fond de la doctrine.


F. BULOZ.
  1. Librairie de Hachette.