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tous les droits du pouvoir royal. Quant aux autorités régulières qui existaient dans les provinces soulevées, tantôt elles transigèrent avec l’insurrection et en acceptèrent même de nouveaux pouvoirs, comme à Cadix ; tantôt elles se retirèrent, sans opposer la moindre résistance au mouvement ; tantôt elles essayèrent de résister, et quelquefois heureusement, comme Lopez Baños dans la province de Grenade. Il en fut à peu près de même des armées et des garnisons. Mais l’esprit d’insubordination les gagna très vite. Une foule de corps déposèrent leurs officiers ; d’autres se dispersèrent : officiers et soldats rentrèrent chez eux ; tous, une fois la révolution accomplie, se trouvèrent plus ou moins désorganisés, et l’ensemble de l’armée était fort affaibli. Cependant l’insurrection, quoique maîtresse d’une grande partie du royaume, ne s’était pas encore généralisée le jour du soulèvement de la Granja. Les deux Castilles, Léon, la Galice, et plusieurs autres provinces de l’est et du nord, ne remuaient point ; le général Cordova maintenait assez heureusement son armée dans le devoir ; la main vigoureuse de Mina contenait les anarchistes de Barcelonne, et Quesada, capitaine-général de Madrid, imposait par sa fermeté aux agitateurs de la capitale. Il y avait encore de grandes ressources dans cette situation, et peut-être la révolution n’eût-elle pas été consommée, si la reine s’était trouvée à Madrid, au milieu de troupes qui restèrent fidèles, au sein d’une population qu’on eût aisément raffermie, et sous la protection de deux hommes aussi énergiques et aussi dévoués que M. Isturitz et l’infortuné Quesada. Mais la reine était à Saint-Ildephonse, loin de ses ministres, et, comme l’évènement ne le prouva que trop, à la merci d’une poignée de soldats, auxquels on devait, par une étrange fatalité, un arriéré considérable, et qu’on savait depuis quelques jours travaillés par des émissaires inconnus qui n’épargnaient pas l’argent. Il arriva ce qu’il devait arriver. Quand cette poignée de soldats eut reçu sa consigne, qui était d’imposer à la reine la constitution de 1812 et le renvoi de son ministère, elle l’exécuta fidèlement. Ce fut l’affaire de quelques heures dans la nuit du 12 au 13 août. Ces soldats, dont un grand nombre étaient ivres, ce qui est fort rare en Espagne, ne comprenaient certainement pas ce qu’ils faisaient, ni la portée de la révolution dont ils étaient les aveugles instrumens. Nous ne voulons pas rappeler ici avec plus de détails les déplorables violences exercées pendant cette nuit envers la reine, violences si honteuses, que le ministère Calatrava n’a rien négligé pour qu’elles ne fussent connues ni en Espagne, ni en Europe ; mais tout ce que nous en savons ne permet pas de