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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/135

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REVUE ÉTRANGÈRE.

preuve sera plus complète, nous en tirerons peut-être un jour la conclusion. Mais nous craignons bien que, dès à présent, il n’en ressorte pour tout le monde, avec la dernière évidence, que l’Espagne est incapable de se sauver par elle-même et par elle seule.

La cause immédiate de la révolution dont les évènemens de la Granja ont décidé le triomphe, se trouve dans le résultat des élections générales que rendit nécessaires la dissolution des cortès prononcée par le ministère Isturitz, peu de jours après qu’il fut entré aux affaires. Ces élections, les plus vraies et les plus libres qui aient eu lieu en Espagne depuis la mort de Ferdinand VII, s’étaient faites presque partout dans un système de résistance que le gouvernement encourageait de toutes ses forces, et qui avait pour lui la faveur des circonstances. Les deux tiers des nominations portaient sur les hommes du parti libéral modéré, et M. Mendizabal, que l’insurrection des juntes avait une première fois élevé au pouvoir en 1836, n’aurait certainement trouvé que des dispositions hostiles dans la majorité de la nouvelle chambre. On a même supposé, peut-être à tort, que ses partisans et lui redoutaient une enquête sévère sur l’administration des finances du dernier cabinet, et que tous moyens leur parurent bons pour échapper à ce danger. Quoi qu’il en soit, le résultat des élections était à peine connu, que le parti exalté commença à s’agiter, et qu’un mouvement pareil à celui de l’année précédente, coloré des mêmes prétextes, se prépara sur tous les points où les manœuvres de ce parti avaient réussi à pervertir l’esprit des populations. Ces prétextes, c’étaient la marche timide, le système rétrograde, les tendances aristocratiques du ministère, et autres banalités de la même force ; c’étaient encore les revers trop fréquens des armes constitutionnelles qui n’ont jamais été plus malheureuses et plus impuissantes que sous les deux ministères de progrès dont l’Espagne a été redevable aux deux dernières insurrections.

On sait comment, le signal de la révolution étant parti de Malaga, l’Andalousie tout entière, Valence, l’Aragon et une grande partie de la Catalogne, proclamèrent presque en même temps la constitution de 1812, et se séparèrent du gouvernement de Madrid sans se prononcer néanmoins contre l’autorité de la reine régente et les droits de sa fille. Il se forma des juntes provinciales, des armées insurrectionnelles, des autorités locales de toute nature, qui s’attribuèrent aussitôt les prérogatives de la souveraineté, levèrent des impôts, donnèrent des grades, établirent des magistrats, modifièrent ou suspendirent les règlemens de douanes, en un mot exercèrent sans scrupule