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REVUE ÉTRANGÈRE.

annonçait que l’insurrection, si rapidement propagée dans le midi de l’Espagne et en Aragon, ne tarderait pas à être partout victorieuse, et que bientôt les destinées de la Péninsule passeraient forcément dans d’autres mains, encore inconnues, mais qui mériteraient assurément moins de confiance.

Quoique les secours dont M. de Bois-le-Comte apportait la promesse au gouvernement de la reine fussent considérables, et surtout fort bien combinés pour assurer le succès, ce n’était pas l’intervention. En voyant arriver le ministre français, tout Madrid pensa le contraire ; tout Madrid voulait l’intervention, tout Madrid la croyait indispensable, et pour éteindre la guerre civile dont le siége aurait pu sans cela être facilement transporté de la Navarre en Catalogne, et pour empêcher, après l’extinction de la guerre civile, une réaction effroyable, et pour contenir le parti démagogique, et pour donner au gouvernement espagnol le temps de réorganiser l’administration, l’armée, les finances, la force publique, avec suite et avec unité, sous la protection d’une occupation française dont les circonstances auraient déterminé la durée. C’était aussi l’opinion de M. Isturitz. Il remercia M. de Bois-le-Comte des offres de secours qu’il lui apportait au nom du gouvernement français, et les accepta ; mais il craignait que ces secours ne fussent insuffisans, et il regrettait vivement que les instructions de M. de Bois-le-Comte lui prescrivissent de déclarer que cette assistance était le dernier effort de la sympathie du gouvernement français pour la cause de la reine Isabelle II.

L’opinion de M. Thiers était différente. Le chef du cabinet du 22 février croyait fermement à la réussite du plan qu’il avait conçu, et dont sa prodigieuse activité d’esprit avait prévu les moindres détails. Puis il disait que, l’insurrection carliste une fois anéantie dans les provinces du nord, son principal foyer, elle ne pourrait plus que languir, et bientôt s’éteindre partout ailleurs ; que le parti exalté ne serait plus à craindre quand il ne pourrait plus invoquer pour prétexte des mouvemens anarchiques, les victoires de don Carlos et la prolongation de la guerre civile, qui, depuis trois ans que durait cet état de choses, ranimaient de distance en distance la fièvre révolutionnaire. Il ajoutait que le gouvernement espagnol, débarrassé de son véritable ennemi par les généreux secours de la France, puiserait dans cette situation la force nécessaire pour se réorganiser paisiblement, et se laisserait guider par nos conseils, au grand avantage des deux pays.

C’est un autre système qui a prévalu. Les mesures adoptées par le