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REVUE ÉTRANGÈRE.

signèrent et déposèrent sur le bureau la proposition de confirmer la reine Christine dans l’exercice de la régence ; la seconde lecture en fut autorisée par cinquante-deux voix contre onze, et bientôt après, sur le rapport d’une commission spéciale, elle fut définitivement adoptée sans avoir eu de résistance sérieuse à vaincre. Six voix seulement sur cent trente protestèrent contre.

La tendance générale des cortès à ménager le pouvoir, à faciliter son exercice, à réformer plutôt qu’à détruire, s’est manifestée dès-lors avec un caractère de plus en plus rassurant. Néanmoins il y avait encore dans les esprits trop de préjugés, d’illusions et d’inexpérience, pour que le droit d’initiative accordé à chaque député n’amenât point quelquefois des propositions fort dangereuses. Telles sont, par exemple, toutes les motions faites dans les premières séances pour immiscer les cortès dans la direction des opérations militaires, soit par l’envoi de députés aux différens corps d’armée, soit par la communication hebdomadaire de toute la correspondance des généraux avec le ministère de la guerre. Ces motions, expliquées par le mécontentement universel qu’inspirait l’inaction de Rodil envoyé à la poursuite de Gomez, furent rejetées pour la plupart, et ce qui en resta fut sans importance et sans danger.

La réforme de la constitution, qui était le principal objet de la convocation des cortès, ne les a occupées qu’assez tard, à cause de la lenteur des formes et de la multiplicité des épreuves que chaque proposition doit subir. Plusieurs discussions importantes ont eu lieu avant celle-là, et entre autres la discussion d’un rapport de M. Caballero, au nom d’une commission chargée de présenter les meilleurs moyens de terminer promptement la guerre civile et d’activer les opérations militaires contre les factieux. Ce rapport concluait à autoriser l’épuration des gardes nationales, à donner des pouvoirs extraordinaires aux juntes d’armement et aux députations provinciales pour lever et entretenir des troupes, à créer dans chaque capitale de province des tribunaux révolutionnaires, jugeant sommairement et sans appel tous les cas de révolte et de conspiration. La discussion fut très vive, et aucune de ces propositions ne fut adoptée sans des changemens essentiels. On peut apprécier aujourd’hui jusqu’à quel point elles ont réussi, et si le mal qu’elles devaient guérir a perdu de son intensité. Mais la discussion a prouvé que les cortès elles-mêmes se défiaient beaucoup des juntes d’armement et de tout ce qui avait survécu des autorités insurrectionnelles : un grand nombre d’orateurs ont dénoncé leurs brigandages, et les actes d’oppression inutile aux-