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LES VOIX INTÉRIEURES.

oubli nous coûte d’autant moins qu’Olympio ne traite pas avec un grand respect son ami unique et fidèle ; car il lui répond comme l’Océan répond au fleuve, c’est-à-dire qu’il le considère comme un point dans l’espace. Certes, si j’avais pour ami un poète de la taille d’Olympio, je serais médiocrement flatté de traiter avec lui de fleuve à Océan ; et si M. Hugo veut bien consulter le traité de Cicéron sur l’amitié, il se convaincra sans peine qu’il n’y a pas d’amitié possible entre un fleuve et l’Océan. À quoi donc se réduit l’ami unique et fidèle d’Olympio ?

Quels que soient pourtant les défauts de la pièce adressée à Olympio, nous n’hésitons pas à reconnaître dans cette pièce une grande richesse d’images, et ce qui est plus malheureux, mais non moins évident, une grande sincérité de colère. Nous voudrions pouvoir admirer dans la même mesure la treizième pièce du volume, où toute la haine de l’auteur contre la critique se résume en quatorze vers. Il est impossible d’imaginer quatorze lignes plus profondément imprégnées de fiel, impossible de rêver quatorze lignes qui expriment sous une forme plus désespérée, je ne dis pas la colère, mais la rage. L’auteur parle de son mépris pour la critique ; il se trompe singulièrement, s’il croit que le mépris se concilie avec la rage qui transpire dans chaque mot de cette pièce. Pour caractériser le méchant qui ne s’agenouille pas devant le génie d’Olympio, il ne trouve rien de mieux que de le comparer à un champignon ; il va sans dire qu’Olympio joue le rôle de chêne. Mais le méchant, quel qu’il soit, aurait grand tort de s’affliger de cette comparaison, car si le champignon est bien peu de chose auprès du chêne, il n’est pas moins vrai que le fleuve, c’est-à-dire l’ami d’Olympio, n’a pas plus d’importance auprès de l’Océan, c’est-à-dire d’Olympio. Que M. Hugo se proclame donc à son gré chêne ou Océan, peu nous importe, et peu importe sans doute au méchant qui a suscité cette comparaison botanique ; ce qu’il y a de certain, c’est que l’orgueil n’est pas plus flatté de l’amitié que de l’inimitié de M. Hugo. M. Hugo est si grand, et les autres hommes sont si petits, qu’à peine sont-ils aperçus ; car dès long-temps, c’est lui-même qui nous le dit, les fronts inférieurs sont habitués à l’ombre de son front. Il est donc certain que le méchant à qui M. Hugo adresse sa colère ne sera nullement ému de cette comparaison, qui voudrait être injurieuse, et qui n’est, à tout prendre, qu’un sujet d’étude assez curieux. Si ce méchant, M. Hugo ne désigne pas plus clairement, est, comme je l’imagine, un esprit impartial, désintéressé, habitué aux formes sévères de la