Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/240

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
236
REVUE DES DEUX MONDES.

En attendant que ces prévisions fondées sur les meilleures et les plus sages combinaisons politiques s’accomplissent, il suffira au gouvernement français d’être fort, c’est-à-dire de s’établir avec fermeté au dedans, et de conserver soigneusement les alliés qu’il s’est acquis depuis la révolution de juillet, pour être respecté par le gouvernement russe, et préparer pour l’avenir de plus étroites relations. C’est là le principe fondamental de notre politique à l’égard de cette puissance, et c’est à Londres surtout que doit se faire notre diplomatie avec Saint-Pétersbourg. Pour tout le reste, il suffira d’agir avec dignité en Russie, d’éviter les occasions où le nom français pourrait être compromis, je dis même les plus petites, car, je le répète, l’empereur est influencé par les petites comme par les grandes choses ; de choisir sérieusement et avec habileté les hommes que le gouvernement enverra à Saint-Pétersbourg, même dans les emplois secondaires de la diplomatie. Ce sont là de petites précautions sans doute, mais les grandes pensées ne s’accomplissent parfaitement que par les petits détails, et c’est une vérité qui ne reçoit nulle part mieux sa démonstration qu’en Russie.

Le peu que je viens d’écrire sur la Russie, et tout ce que je pourrai écrire un jour, se résumera par une seule idée.

Dans l’ordre intellectuel, la Russie est à nos portes. Nos pensées y arrivent, sans s’arrêter en Allemagne qu’elles ne font que franchir.

Ainsi, nous avons communiqué avec la Russie par le goût et l’esprit du xviiie siècle ;

Puis, par l’esprit militaire et la grandeur guerrière de l’empire.

Nous y dominons encore maintenant par l’influence de notre civilisation industrielle.

Le jour de nos idées politiques viendra peut-être à son tour. Je parle des idées sages et modérées, de celles qui peuvent se concilier avec l’ordre public européen et les intérêts dominans des sociétés civilisées. La France n’a donc qu’à attendre ce jour-là avec confiance, et elle le rapprochera assurément si elle l’attend avec calme et surtout, je le répète, avec dignité.


Paris, le 10 juillet 1837.