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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/378

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REVUE DES DEUX MONDES.

nation, nous sommes persuadés que tout esprit impartial approuvera le traité.

La conservation d’Alger une fois décidée, il s’est présenté deux systèmes, la paix et la guerre, ou, ce qui revenait au même, l’occupation restreinte et l’occupation absolue. En effet, la conquête entière, l’occupation absolue de tout le territoire qui composait l’ancienne régence d’Alger, était la guerre, une guerre acharnée, longue et dispendieuse. Combien longue, combien dispendieuse en hommes et en argent ? c’est ce que personne ne saurait dire. Combien de milliers de soldats il aurait fallu jeter et maintenir en Afrique, pour se rendre maître incontesté du pays ? c’est ce qu’on ne sait pas. Et il faut remarquer que plus on s’est étendu à l’ouest et à l’est dans les limites de l’ancienne régence, plus on a pénétré dans l’intérieur, plus on a eu de moyens d’apprécier la force des populations, plus on s’est accordé, involontairement et sans préoccupation systématique, à élever le chiffre des troupes que pourrait exiger leur assujettissement complet. On s’est bien dit : Mais pourquoi le gouvernement français, maître d’Alger, ne se mettrait-il pas à la place du dey d’Alger et n’exercerait-il pas les droits de souveraineté qui lui appartenaient, sur toutes les populations de la régence ? Cela paraissait bien simple ; mais on oubliait deux choses, d’abord que nous avions contre nous des préjugés religieux presque insurmontables, ce dont on s’aperçoit chaque jour, et ensuite que les Arabes, soumis par la force au régime turc, aimeraient mieux, une fois ce joug brisé par nos armes, s’appartenir à eux-mêmes, autant que possible, et ne pas relever de nouveaux conquérans, étrangers, infidèles, qui avouaient hautement l’intention de les déposséder tôt ou tard, insensiblement ou par masses, au profit de colons européens. L’occupation absolue, c’était donc, nous le répétons, la guerre sur tous les points à la fois, une guerre chanceuse, dont les frais, la durée, les résultats, sont également incertains. Assurément ceux qui voulaient l’occupation absolue ne la voulaient pas en vue de la guerre, ou de l’extermination impossible de la race arabe ; ils ne voulaient pas la guerre pour elle-même. Mais peu importe, si la guerre était l’inévitable condition du résultat qu’ils croyaient nécessaire d’obtenir et de poursuivre sans relâche, jusqu’à ce qu’on l’eût obtenu.

C’est avec beaucoup de raison qu’on a appelé « la guerre mal faite » l’espèce de système suivi, ou plutôt l’état habituel des choses et l’ensemble d’évènemens que l’on remarque dans l’histoire de notre possession d’Alger depuis sept ans. Mais il faut ajouter que la guerre n’a pas pu être bien faite, et que la faute en est à tout et à tout le monde, excepté à nos soldats, qui se battaient bien, mais qui étaient trop peu. Voici, au fait, la véritable situation dans laquelle on se trouvait à cet égard. On voulait d’instinct ce qui n’était pas possible sans cette guerre générale dont nous avons parlé, et on ne l’avouait ni à soi-même, ni aux autres ; ni à soi, parce qu’on entrevoyait vaguement les énormes difficultés de l’entreprise ; ni aux autres, c’est-à-dire aux chambres et au pays, parce qu’on n’était pas assez sûr de