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REVUE. — CHRONIQUE.

augure. Ses opinions effraient, et les talens qu’on lui reconnaît, en les exagérant un peu, ne rassurent pas. En tout, c’est une situation fort compliquée, dont l’Allemagne entière attend le dénouement avec une sorte de terreur. Il est au moins douteux que la Prusse, malgré ses liens de parenté avec le nouveau roi et son désir de voir entrer le Hanovre dans l’union des douanes, approuve une politique téméraire, de nature à ébranler l’équilibre qu’elle s’est tant efforcée de mettre à l’abri de toute secousse, et peut-être faut-il espérer quelque chose de sa salutaire influence.


— Depuis six ans la Revue s’est fait un devoir de faire connaître à la France la physionomie politique et morale des points les plus importans du monde civilisé. Les deux Amériques, la Grèce, l’Angleterre, le midi et le nord de l’Europe ont été successivement l’objet de nos études et de nos explorations. Aujourd’hui c’est le tour de la Russie, vers laquelle toute l’Europe tourne ses regards avec une curieuse anxiété. L’an dernier, un de nos collaborateurs a visité l’empire russe ; à son retour, il a rédigé sur ce qu’il avait vu, sur ce qu’il avait appris, un mémoire qui, pour avoir été mis sous les yeux d’un auguste personnage, n’en était pas moins destiné par l’auteur à la publicité. Nous avons publié dans notre dernier numéro la première partie de cet intéressant travail ; quelques profonds publicistes en ont conclu que désormais la Revue serait rédigée dans les intérêts de la Russie.

Il y a des gens qui calomnient parce qu’ils ont un mauvais esprit, d’autres parce qu’ils n’en ont pas du tout : dans quelle catégorie faut-il placer ceux qui affectent de prendre la publication de documens statistiques et de faits positifs pour une désertion des intérêts français ? Nous parlons de la Russie, parce que la Russie est à l’ordre du jour. Nous ouvrons notre recueil aux travaux d’un publiciste qui signe ce qu’il écrit, apparemment parce qu’il veut en répondre devant l’opinion ; nous livrons à la discussion de l’esprit public et des hommes de bonne foi des faits peu connus, et dont la notoriété importe à l’Europe. Le patriotisme ne saurait, à nos yeux, consister dans l’ignorance ou dans la fastidieuse répétition de quelques lieux communs usés. Ces grands politiques qui, du fond de leur cabinet, se font des opinions si arrêtées sur ce qu’il ne leur a jamais été donné de voir, seraient sans doute bien étonnés si nous leur apprenions qu’en ce qui touche son gouvernement, ce que la Russie demande et désire par-dessus tout, c’est le silence.

La Revue devra-t-elle être accusée de préoccupations russes, parce qu’elle continuera de publier les travaux de M. Loève-Veimars ? parce qu’aujourd’hui même elle fait connaître les ouvrages de Pouchkin ? parce qu’un littérateur russe, M. Gretsch, est venu offrir à son directeur, de publier sur la Russie des notices purement industrielles ou littéraires, dont le prix est destiné à la veuve du colonel Conrad, qui a été élevée en Russie et qui traduirait les manuscrits originaux ?

Autant vaudrait dire que dans le siècle dernier, les écrivains dont