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POLITIQUE D’ARISTOTE.

num. On ne saurait avoir trop d’estime et de sympathie pour cette volonté audacieuse et réfléchie qui s’engage dans une si longue et si difficile carrière, et il est bon de pouvoir opposer ce noble exemple à la frivolité prétentieuse qui n’a que de l’amour-propre sans courage.

Le début de M. Barthélemy Saint-Hilaire a cet intérêt de nous présenter un des plus beaux monumens de l’antiquité sous une physionomie nouvelle ; les huit livres dont se compose la Politique d’Aristote paraissent aujourd’hui dans un ordre différent ; l’ouvrage a un autre aspect. Pour nous qui avons souvent consulté ce grave et docte traité, et qui avons cherché, il y a six ans, à l’apprécier et à l’analyser dans la série des grands hommes dont la pensée a été utile à la sociabilité humaine[1], nous venons d’éprouver, en le relisant, un plaisir profond et nouveau. Sur les traces de Scaïno da Salo, qui travaillait à la fin du xvie siècle, et encore sur celles de Conring d’Helmstadt, qui traitait la même question soixante ans après le père Scaïno, dont il ignorait les recherches, M. Barthélemy Saint-Hilaire, ajoutant aux travaux de ses devanciers ses propres efforts, s’est occupé de l’ordre des livres de la Politique avec une critique supérieure, et après une discussion convaincante, il a pu établir les points suivans.

1o  L’ordre actuel de la Politique d’Aristote est illogique, et en le conservant, l’ouvrage semble incomplet et mutilé. 2o  En déplaçant trois livres, l’ouvrage procède d’une manière tout-à-fait logique et devient parfaitement complet. Les déplacemens sont indiqués et autorisés de la manière la plus formelle par des preuves nombreuses, et l’on peut dire irrécusables, tirées du contexte ; ils sont tous sanctionnés par la logique la plus sévère et l’autorité de l’auteur lui-même. 3o  On sait de la manière la plus certaine que les ouvrages d’Aristote, peu connus, par un motif ou par un autre, jusqu’au temps de Pompée, furent de nouveau publiés à cette époque, et arrangés par des mains peu habiles. Divers autres ouvrages d’Aristote offrent des traces de désordre non moins évidentes que la Politique. 4o  Tout porte à croire que la division en huit livres, existant déjà au temps de Diogène Laërce, à la fin du iie siècle après Jésus-Christ, n’appartient pas à Aristote, mais qu’elle est d’Andronicus de Rhodes, son éditeur. 5o  Enfin, l’ordre réel est celui-ci : ier, iie, iiie, viie, viiie, ive, vie et ve livres.

Nous félicitons M. Barthélemy Saint-Hilaire de n’avoir pas hésité

  1. Philosophie du droit, tom. ii, liv. iv. Les philosophes, chap. II. Aristote.