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REVUE DES DEUX MONDES.

THÉORIE DES CLASSES MOYENNES.

La constitution n’est pas autre chose que la répartition du pouvoir qui se divise entre tous les associés, soit en raison de leur importance particulière, soit d’après un principe d’égalité commune, c’est-à-dire qu’on peut faire une part aux riches et une autre aux pauvres, ou leur donner des droits communs. Ainsi les constitutions seront nécessairement aussi nombreuses que les combinaisons de supériorité et de différence entre les parties de l’état.

C’est une erreur de faire reposer exclusivement la démocratie sur la souveraineté de la majorité, car dans les oligarchies aussi, et l’on peut même dire partout, la majorité est toujours souveraine. Il est bien plus exact de dire qu’il y a démocratie là où la souveraineté est attribuée à tous les hommes libres, oligarchie là où elle appartient exclusivement aux riches.

Il y a plusieurs espèces de démocraties et d’oligarchies. La première espèce de démocratie est caractérisée par l’égalité, et cette égalité, fondée par la loi, signifie que les pauvres n’auront pas des droits plus étendus que les riches, que ni les uns ni les autres ne seront souverains exclusivement, mais qu’ils le seront dans une proportion pareille. Après cette première espèce de démocratie en vient une autre, où les fonctions publiques sont à la condition d’un cens ordinairement fort modique. Dans une troisième espèce, tous les citoyens arrivent aux magistratures, mais la loi règne souverainement. Dans une autre, il suffit, pour être magistrat, d’être citoyen à un titre quelconque, la souveraineté restant encore à la loi. Une cinquième espèce admet d’ailleurs les mêmes conditions ; mais on transporte la souveraineté à la multitude, dont les décrets sont souverains à la place de la loi.

Alors le peuple prétend agir en monarque ; il rejette le joug de la loi, se fait despote et accueille bientôt les flatteurs : cette démocratie est, dans son genre, ce que la tyrannie est à la royauté. De part et d’autre, mêmes vices, même oppression des bons citoyens ; ici les décrets, là les ordres arbitraires. Le démagogue et le flatteur ont une ressemblance frappante. Tous deux ils ont un crédit sans bornes, l’un sur le tyran, l’autre sur le peuple ainsi corrompu. Dans la démagogie, il n’y a plus de constitution, car il n’y a de constitution qu’avec la souveraineté des lois.