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POLITIQUE D’ARISTOTE.

Le caractère distinctif de la première espèce d’oligarchie, c’est la fixation d’un cens assez élevé pour que les pauvres, bien qu’en majorité, ne puissent atteindre au pouvoir, ouvert à ceux-là seuls qui possèdent le revenu fixé par la loi. Dans une seconde espèce, le cens exigé est considérable, et le corps des magistrats a le droit de se recruter lui-même. Une troisième espèce d’oligarchie se fonde sur l’hérédité des emplois. Une quatrième joint au principe de l’hérédité celui de la souveraineté des magistrats, substituée au règne de la loi.

À côté de la démocratie et de l’oligarchie, Aristote rappelle qu’il y a aussi l’aristocratie avec ses différentes espèces, la république vulgaire, enfin la tyrannie ; puis il pénètre plus avant encore dans la nature des choses.

Le caractère spécial de la démocratie, c’est la liberté ; celui de l’oligarchie est la richesse ; celui de l’aristocratie, la vertu : toutes trois admettent d’ailleurs la suprématie de la majorité, puisque dans l’une comme dans l’autre la volonté du plus grand nombre des membres du corps politique a toujours force de loi.

Trois élémens dans l’état se disputent l’égalité : ce sont la liberté, la richesse et le mérite ; je ne parle pas d’un quatrième, qu’on appelle la noblesse, car il n’est qu’une conséquence des deux autres. La noblesse n’est qu’une ancienneté de richesse et de talent.

Tout état renferme trois classes de citoyens : les riches, les pauvres et les citoyens aisés, dont la position tient le milieu entre ces deux extrêmes. Si donc l’on admet que la modération et le milieu en toutes choses sont préférables, il s’ensuit évidemment qu’en fait de fortune la moyenne propriété sera la plus convenable de toutes. Elle sait, en effet, se plier aux ordres de la raison, qu’on écoute si difficilement quand on jouit de quelque avantage supérieur en beauté, en force, en puissance, en richesse, ou quand on souffre de quelque infirmité excessive de pauvreté, de faiblesse et d’obscurité.

L’association politique est donc surtout assurée par les citoyens de fortune moyenne. Partout où la fortune extrême est à côté de l’extrême indigence, ces deux excès amènent ou la démagogie absolue, ou l’oligarchie pure, ou la tyrannie.

La moyenne propriété ne s’insurge jamais. Là où les fortunes aisées sont nombreuses, il y a bien moins de mouvemens et de dissensions révolutionnaires. C’est la moyenne propriété qui rend les démocraties plus tranquilles et plus durables que les oligarchies, où elle est moins répandue et a moins d’importance politique. Quand le nombre des pauvres vient à s’accroître, sans que celui des fortunes