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Égypte, et qu’il était une expression soit des phénomènes célestes, soit des diverses circonstances de l’année agricole dans ce pays.

Ces deux hypothèses lui présentaient cependant cette grave difficulté, qu’en faisant correspondre, comme au temps d’Hipparque, le cancer au solstice d’été, et le capricorne au solstice d’hiver, aucune des configurations zodiacales, considérées comme symboles agricoles ou astronomiques, ne pouvait s’appliquer au sol de l’Égypte. C’est alors qu’il conçut l’idée hardie de faire faire une demi-conversion au zodiaque. Il supposa donc que les points solsticiaux et équinoxiaux, par l’effet de la précession, avaient parcouru la moitié de l’écliptique, depuis l’invention du zodiaque jusqu’au moment où les uns vinrent coïncider avec le premier degré des signes du cancer et du capricorne, les autres avec le premier degré du bélier et de la balance (vers 410 ans avant Jésus-Christ). À l’époque de cette invention, le solstice d’hiver répondait au cancer, celui d’été au capricorne, l’équinoxe de printemps à la balance, et celui d’automne au bélier ; ce qui ferait remonter cette institution au moins à 13,000 ans avant notre ère. À l’aide de cette demi-conversion, il se procura l’explication plausible de sept ou huit signes, explication sur laquelle il y a cependant beaucoup à dire encore.

Or, comme ce n’est pas au berceau de sa civilisation qu’un peuple s’avise d’une institution pareille, il fallait admettre une antiquité encore plus grande pour l’origine de la civilisation égyptienne. Mais, outre l’impossibilité de donner la moindre consistance historique à une époque si reculée, cette chronologie avait le grave inconvénient de se trouver en contradiction formelle avec l’opinion des Égyptiens eux-mêmes. Si nous laissons, en effet, de côté les nombres fabuleux assignés aux règnes des dieux et des héros en Égypte, chronologie toute religieuse, et si nous nous en tenons à la chronologie historique conservée dans les fragmens de Manéthon, conforme au total que donne un passage de Diodore de Sicile[1], nous trouvons que l’histoire des Égyptiens, selon leur propre opinion, ne remonte qu’à environ 5,000 ans avant notre ère[2].

Dupuis sentit lui-même quelle difficulté historique présentait la grande étendue de sa chronologie. Il fut le premier à suggérer une modification qui consistait à supposer que les inventeurs du zodiaque

  1. Voir, sur ce passage, un Mémoire lu à l’Académie des Inscriptions, le 19 septembre 1823. — Imprimé dans le tome xii des Mémoires. Paris, 1836.(Note ajoutée.)
  2. — C’est ce que j’ai développé dans mon cours de 1836 au Collége de France.(Note ajoutée.)