à un de ses élèves, aux termes du traité qu’il avait passé avec ces magistrats.
— Nous allons t’attendre à table, lui dit Valerio, car après tant de fatigues nous avons besoin de nous restaurer. Hâte-toi de venir nous rejoindre, frère, car je suis forcé d’aller passer la moitié de la nuit à San-Filippo pour les joyeuses affaires de demain, et je ne veux pas quitter le souper sans avoir choqué mon verre avec le tien.
Au moment où Francesco montait le grand escalier du palais des procuraties, il rencontra le Bozza qui descendait, pâle et absorbé dans ses pensées. En se trouvant en face de son ancien maître, Bartolomeo tressaillit et se troubla visiblement. Comme Francesco le regardait avec la sévérité qui lui convenait en cette rencontre, son visage se décomposa tout-à-fait, ses lèvres blêmes s’agitèrent comme s’il eût vainement essayé de parler. Il fit un pas pour se rapprocher du maître et un mouvement comme pour le saluer. Dévoré de remords, le Bozza eût donné sa vie en cet instant pour se jeter aux pieds de Francesco et lui tout confesser ; mais l’accueil glacé de celui-ci, le regard écrasant qu’il jeta sur lui, et le soin qu’il prit d’éviter son salut en détournant la tête dès qu’il lui vit porter la main à sa barrette, ne lui permirent pas de trouver en lui-même la force d’un repentir opportun. Il s’arrêta, incertain, attendant toujours que Francesco se retournât et l’encourageât d’un regard plus indulgent ; puis, quand il vit qu’il était décidément condamné et abandonné : Va donc ! dit-il en serrant le poing avec rage et désespoir. Puis il s’enfuit à grands pas et alla s’enfermer chez sa maîtresse, qui ne put obtenir de lui une seule parole ni un seul regard durant toute cette nuit-là.
Francesco commença par se rendre chez le procurateur-caissier qui était le chef de la commission ; il fut fort surpris d’y trouver Vincent Bianchini assis dans une attitude familière et pérorant à haute voix. Mais celui-ci se tut aussitôt qu’il le vit paraître et passa dans une autre pièce qui faisait partie des appartemens intérieurs de la procuratie. Le procurateur-caissier Melchiore avait le sourcil froncé et affectait un air austère auquel sa physionomie courte et large, son ventre rebondi et son parler nasillard donnaient un caractère plus bizarre qu’imposant. Francesco n’était pas homme d’ailleurs à se lais-