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non qu’il manque d’humanité ou de lumières ; mais c’est chez lui un principe constant, que le devoir législatif d’un ministre consiste à réformer les choses de détail, et à ne jamais introduire, sans y être forcé, aucun changement dans les institutions existantes. Ses réformes dans la jurisprudence criminelle se réduisent donc à la codification partielle d’un grand nombre de lois éparses, et à quelques simplifications importantes dans la procédure.

Jusque-là nos combats politiques n’avaient guère été autre chose que des représentations théâtrales : ce fut en 1827 que s’engagea la lutte réelle et animée entre les deux principes ; cette année critique renfermait le germe de tous les grands évènemens qui se sont, plus tard, développés avec une rapidité si terrible. Cette année même, lord Liverpool ayant été obligé, par sa mauvaise santé, d’abandonner la conduite du gouvernement, la présidence du ministère passa entre les mains de l’infortuné Canning. J’ai donné une esquisse des évènemens qui suivirent, dans la vie de lord Brougham[1] ; une exposition plus complète de ces évènemens sera mieux placée dans la vie de Canning, véritable héros de cette partie de nos annales. Je me contenterai donc ici de tracer rapidement le rôle joué par Peel dans ce drame. Lui et six autres de ses collègues donnèrent leur démission aussitôt que Canning leur eut notifié qu’il acceptait la présidence. Quatre sur six étaient des politiques sans importance ; lord Eldon, le chancelier, était très vieux, et plutôt vénéré que regardé comme une autorité ; le duc de Wellington était encore bien loin de l’importance qu’il a depuis acquise dans le gouvernement de la Grande-Bretagne. Ce fut donc Peel que l’on considéra comme l’auteur de cette scission ; et ce fut vers lui que le public tourna les yeux pour obtenir l’explication des motifs qui l’avaient amenée. Peel justifia sa conduite et celle de ses collègues dans un discours très habile et plein des traits qui caractérisent son éloquence réservée. Il dissimula la répugnance qu’ils éprouvaient à servir sous Canning, et les représenta comme guidés dans leur conduite par le respect d’un grand principe politique. Tant qu’il avait été placé, disait-il, sous un premier ministre hostile aux réclamations des catholiques (lord Liverpool), il avait consenti à partager le gouvernement du pays avec des hommes qui, sur ce sujet, n’avaient pas la même opinion que lui ; mais, prévoyant la force inattendue que ces réclamations, soutenues par le chef du cabinet, allaient acquérir, il avait senti que son devoir

  1. Voyez la livraison du 15 février 1834.