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HOMMES D’ÉTAT DE LA GRANDE-BRETAGNE.

lui défendait de se compromettre plus long-temps, et lui ordonnait de déclarer publiquement la guerre à tous les ennemis de la constitution protestante de son pays. Il y avait dans ces aveux un air de franchise et de loyauté qui captiva beaucoup de monde, même parmi ses adversaires. Quant à ses partisans, ils ne craignirent pas, comme je l’ai dit, de l’opposer à Canning dans la chambre même des communes, théâtre des triomphes de ce dernier orateur.

Après la mort de Canning et la chute du court et faible ministère de lord Goderich, Wellington et Peel furent ramenés au pouvoir, en 1828, par l’ascendant victorieux du parti protestant. La suite et la vigueur avec laquelle Peel avait défendu la cause de ce parti pendant plus de dix ans étaient, à cette époque, son principal titre à l’estime publique. Néanmoins, leur rival Canning était à peine descendu dans la tombe, que l’ardeur de ces deux champions de la cause protestante parut s’attiédir singulièrement. Arrivés au faîte du pouvoir, ils commencèrent à apercevoir des obstacles qu’ils n’avaient pas même soupçonnés auparavant ; ils commencèrent à temporiser, à suggérer des demi-mesures, à offrir des transactions au parti qui combattait l’autorité temporelle de l’église protestante. Le premier évènement qui ébranla la confiance du parti orthodoxe dans ses vieux défenseurs fut le rappel des actes du test et de corporation ; actes décrépits et absurdes, promulgués, sous le règne de Charles II, dans l’intention d’éloigner des emplois politiques les sectes dissidentes, et qu’on avait trouvé bon d’éluder depuis plusieurs années en votant un bill annuel d’indemnité pour les dissidens qui auraient encouru les peines énoncées dans ces actes, mais auxquels le clergé se cramponnait encore, comme aux derniers restes de son ancienne domination.

Quoique Peel se soit conduit d’une façon quelque peu équivoque à l’égard de cette mesure, cependant il était assez clair pour tous les partis que si le ministère ne favorisait pas cette réforme, au moins il ne la combattait que faiblement. Toutefois, les espérances que l’église établie avait fondées sur Peel n’étaient pas encore abattues ; elle s’imaginait que Peel avait donné cet os à ronger aux dissidens, afin de les amener à séparer leur cause de celle des catholiques, qu’ils soutenaient depuis plusieurs années publiquement et avec persévérance. Il ne pouvait croire que le champion de l’église protestante, orange Peel (écorce d’orange), sobriquet que lui avaient donné ses ennemis à cause de son attachement aux principes des sociétés orangistes de l’Irlande, fût capable d’abandonner la bannière sous laquelle il avait gagné ses éperons, à laquelle était attachée toute sa