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HOMMES D’ÉTAT DE LA GRANDE-BRETAGNE.

le parlement et d’inviter le pays à le soutenir contre les partisans de ceux qu’ils avaient supplantés. À cette occasion M. Peel donna pour la première fois le programme de sa politique dans son adresse aux électeurs de Tamworth, petit bourg de sa famille qu’il avait représenté dans l’ancien parlement. Cette adresse était une composition élégante, étudiée, qui fit beaucoup d’honneur à son talent ; mais elle ne contenait guère autre chose que la promesse générale de poursuivre l’œuvre de la réforme dans les différentes institutions du pays, avec plus de sûreté, plus de prudence que ceux qui l’avaient précédé ; il terminait en demandant à être jugé loyalement plutôt par ses actes que par ses déclarations. Les élections ne répondirent entièrement à l’attente d’aucun des deux partis : elles donnèrent de quatre-vingt à quatre-vingt-dix membres nouveaux au parti conservateur, ce qui fait une différence de cent soixante à cent quatre-vingts voix dans la chambre des communes. Parmi ces membres nouveaux, vingt ou trente étaient envoyés par des localités où le gouvernement, quel qu’il soit, exerce une influence décisive. En résumé, l’Angleterre présentait quelques faibles symptômes d’une réaction favorable au parti conservateur ; l’Écosse et l’Irlande s’affermirent dans leur ligne politique.

Mais le secours sur lequel Peel et ses amis comptaient principalement était la désunion du parti opposé : durant les dernières années de l’administration de lord Grey, les querelles des whigs, des radicaux et des partisans du rappel de l’union avec l’Irlande, avaient été nombreuses et violentes ; souvent le secours du parti conservateur avait seul sauvé les ministres de la défaite qui les menaçait de la part même de leurs amis les plus zélés. Il était naturel d’espérer qu’ayant à combattre le roi, les lords et le ministère, possédant moins de pouvoir qu’auparavant dans la chambre des communes et sans doute alors moins d’influence dans le pays, cette ligue mal cimentée tomberait en pièces ; que les timides et les modérés seraient heureux de chercher un abri sous l’aile d’un ministère qui professait des principes réformistes ; que les ultra-radicaux se sépareraient de la masse centrale et reprendraient leur ancienne position à l’extrême gauche, ne voulant plus se laisser conduire par des chefs whigs. Telles étaient certainement les espérances de Peel, et sa sagacité, si grande qu’elle soit sans aucun doute, n’était pas préparée au désappointement qui suivit ; il avait cédé à une illusion depuis long-temps familière à son parti. Peel et ses amis s’étaient exaltés en prononçant des harangues sur le danger auquel la liberté et la propriété étaient expo-