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HOMMES D’ÉTAT DE LA GRANDE-BRETAGNE.

sir C. Manners-Sutton ; dans la seconde, d’après le principe qu’il fallait donner au nouveau ministère ce qu’il ne cessait de réclamer avec tant d’instances, une loyale épreuve. Mais la neutralité sur de grandes questions était maintenant impossible. Le premier résultat d’une lutte des partis aussi serrée que le fut celle de 1835, est d’anéantir d’un seul coup toute la race des hommes modérés, des esprits flottans, des attendeurs de providence, comme on les appelait au temps de Cromwell ; et on le vit bien clairement lorsque sir James Graham et lord Stanley, passant du côté de sir Robert Peel, se trouvèrent tout à coup des généraux sans armée. Ces deux chefs, dont l’influence était cotée si haut, furent incapables d’entraîner dans leur défection plus d’une demi-douzaine de transfuges.

Ainsi battu dans les communes, Peel se refusa néanmoins encore à résigner le pouvoir. Il se reposait sur la faveur avec laquelle les classes riches et l’aristocratie étaient habituées à le traiter ; il comptait sur la couronne, sur la pairie, sur sa minorité puissante. Il se donnait encore au pays comme le réformateur providentiel des abus ; il déclarait ne pas savoir pourquoi il ne serait pas lui-même capable de satisfaire à ce sujet les vœux de la nation aussi bien qu’aucun de ceux qui avaient soutenu le bill de réforme. « Il n’avait jamais considéré cette mesure comme une machine dont le secret ne fût connu que de ceux par qui elle avait été construite, ou qui dût avoir pour effet d’exclure du service du roi une portion quelconque de ses sujets. » Il proposait la réforme des dîmes, le redressement de certains griefs en matière ecclésiastique dont se plaignaient les dissidens, et plusieurs autres mesures qui, peu d’années avant, inspiraient à ses amis et à ses partisans une répugnance invincible. Tout cela, bien entendu, n’était qu’une représentation théâtrale ; chacun savait que Peel était réellement placé sur la brèche par l’aristocratie pour arrêter, s’il le pouvait, la marche de la réforme, et que toute altération dans les institutions existantes, accomplie par lui, n’était qu’une concession faite à contre-cœur à la nécessité des temps. Comme réformiste, sa position était essentiellement fausse, et il le sentait bien ; il marchait sur un terrain plus solide quand il appelait à son aide les vieux sentimens anglais, les instincts et les craintes des classes riches et le respect national pour les vieilles formes de la constitution.

Alors commença une campagne parlementaire de deux mois, la plus remarquable peut-être qui se rencontre dans les annales de notre législature. Pendant tout ce temps, Peel combattit contre une majorité compacte, inflexible, infatigable. Mal secondé par ses amis