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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/575

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HOMMES D’ÉTAT DE LA GRANDE-BRETAGNE.

chambre, vous ne gouvernez pas l’opinion publique. Nous pouvons être faibles ici, mais songez bien, et je dis ceci avec le plus grand respect, mais aussi avec la plus grande fermeté, la conviction la plus parfaite, songez qu’il y a une opinion publique entièrement indépendante des majorités, sur laquelle les votes n’ont aucune action, mais dont la faveur est essentielle à la paix et à la prospérité du pays, et avec laquelle tout gouvernement sera obligé de compter. Vous pouvez avoir le silence du peuple, mais vous n’aurez pas son approbation. »

Enfin, à la dernière épreuve, M. Peel eut contre lui une majorité de vingt-sept voix, et sortit du ministère le 8 avril 1835. Le discours qu’il a prononcé dans cette occasion est assez caractéristique. Il y professa une soumission respectueuse à la décision de cette majorité qu’il avait appelée tyrannique, et qu’il brava avec un courage et une obstination peu commune.

« Quant à moi, dit-il, toute ma vie politique s’est passée dans la chambre des communes ; le reste de ma vie se passera dans cette enceinte, et quelle que soit l’ardeur de la lutte, que j’appartienne à la majorité ou à la minorité, je voudrais toujours être bien avec la chambre. Dans aucune circonstance, quel que fût le caractère des évènemens, je n’aurais conseillé à la couronne d’abandonner cette grande source de force morale qui consiste dans un respect religieux pour le principe, la lettre et l’esprit de la constitution du pays. Ce respect sera ma plus sûre sauve-garde contre les dangers que l’avenir nous réserve ; et c’est parce que telle est ma conviction que je pense qu’un gouvernement ne doit pas persister à conduire les affaires publiques, après une épreuve loyale, contre la volonté déclarée d’une majorité de la chambre des communes. »

Aujourd’hui que la lutte est terminée, et que nous avons le loisir de passer en revue la conduite de sir Robert Peel et de ses alliés au milieu de circonstances d’une difficulté inouie, il est facile de dire qu’il aurait pu faire mieux un grand nombre de choses, et qu’il a pris plusieurs mesures qu’une politique plus savante aurait évitées ; mais sa position ne lui permettait guère que le choix des fautes, et c’est, selon moi, la condition particulière de l’Irlande qui rendait presque impossible à cette époque un ministère tory de quelque durée. Toutefois, mettant de côté cette difficulté générale et insurmontable, voyons quelles ont été les fautes que ce parti a commises relativement à ses intérêts immédiats.

En premier lieu, le renvoi du ministère Melbourne et l’appel fait