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cipe d’une église nationale, bien plus, de défendre l’église protestante en Irlande ; cependant ils se prononçaient pour une mesure qui ne pouvait que servir à en amener d’autres, lesquelles aboutiraient au bouleversement total de l’église établie. Ils détournaient les yeux de la conclusion légitime que le peuple se préparait à tirer de leurs argumens. « Vous voyez dans l’appropriation une solution définitive ; mais ne croyez pas que par la simple déclaration du principe vous puissiez tromper le peuple : il est plus clairvoyant que vous ne l’imaginez peut-être. Il sent et il sait que vos argumens ne s’accordent pas avec votre résolution : une déclaration plus vive, plus franche, plus honnête, vaudrait mieux. Cette résolution peut vous être avantageuse en ce qu’elle vous donne ce soir l’apparence d’agir de concert sur une grande question ; mais vous agissez en réalité d’après des principes différens, et avec des intentions diverses, auxquelles vous espérez bien que cette résolution, purement abstraite et éventuelle aujourd’hui, donnera plus tard une satisfaction entière. Vous me dites que mes opinions sont trop arrêtées, et que je marche dans un sens contraire au progrès. Vous avez raison, mais permettez-moi de vous dire, à mon tour, qu’il y a une conduite plus fatale encore, et elle consiste à demeurer en arrière de ses propres argumens ; telle est pourtant votre situation.

« Je n’approuve pas votre résolution à l’égard de l’Irlande, parce que je sais que cette résolution est sans valeur et sans franchise, parce que je sais que cette mesure établit en Irlande, non la paix, mais la guerre. Félicitez-vous de votre triomphe ; si vous le voulez ; peut-être vous sera-t-il donné d’entraver la marche de l’administration, peut-être ce triomphe indique-t-il que votre principe demeurera définitivement victorieux. Cependant gardez-vous d’avoir trop de confiance ; laissez-moi remplir ici volontairement auprès de vous le rôle dévolu aux esclaves qui entouraient le char du triomphateur pour lui rappeler le néant des choses humaines. Chez les anciens, la tâche que j’accomplis maintenant était l’office d’un esclave ; mais elle n’est pas au-dessous d’un homme libre, et dans cette crise importante il peut l’accomplir sans se dégrader. Glorifiez-vous, si bon vous semble, d’exercer sur le gouvernement du pays un pouvoir et un contrôle souverains ; mais laissez-moi vous dire à l’oreille, que, bien que triomphant ici, quoique assez forts pour entraîner la machine politique dans tel sens qu’il vous plaira de choisir, le pouvoir que vous exercez n’a pas, hors de ces murs, la même énergie que dans leur enceinte. Je vous dis que, malgré votre majorité si vantée dans cette