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qu’il était sur le point de partir pour l’Afrique, où il devait prendre le commandement de l’expédition. Mais alors il n’y avait encore rien de résolu, et aujourd’hui, au moment où nous écrivons ces lignes, il est décidé que M. le duc d’Orléans n’ira point exposer à la carabine d’un Kabyle une existence qui est devenue doublement précieuse. L’ordre d’entrer en campagne a dû être expédié au général Danremont. Espérons qu’il aura bientôt vengé l’injure de la France et rétabli en Afrique l’honneur de nos armes !

On a dit que les doctrinaires s’opposaient à la dissolution de la chambre, et qu’ils s’étaient efforcés de faire repousser cette mesure en haut lieu. Il est notoire qu’une rencontre, que le Journal de Paris nous donne comme fortuite, rencontre qui a eu lieu à l’heure de dîner, dans une taverne célèbre, a fait, pendant quelques jours, le sujet de toutes les conversations. Le Rocher de Cancale ressemblait assez, ce jour-là, à l’auberge où Candide, d’innocente mémoire, rencontra les trois rois qui venaient uniquement pour passer le carnaval à Venise. C’est ainsi que M. Guizot, M. le duc de Broglie et M. Duchâtel, partis au hasard de trois points différens, pour venir respirer un peu d’air politique à Paris, se trouvèrent à une même table, où se discutèrent de graves questions. Dans ce temps de disette en fait de nouvelles intérieures, on a longuement commenté les propos de ces trois éminens convives. Nous ne pensons pas que le ministère ait été ébranlé des suites de ce dîner. On croit savoir toutefois que la dissolution de la chambre a paru un incident favorable aux chefs du parti doctrinaire, et qu’ils s’occupent activement de renforcer leur minorité dans la chambre. On dit même qu’un d’eux aurait déclaré que si le ministère actuel n’opérait pas la dissolution, elle se ferait par un cabinet doctrinaire. Voilà donc un point sur lequel tombent d’accord tous les partis.

Nous ne dissimulerons pas au ministère une impression dont se sont trouvés frappés ceux-là même qui éprouvent le plus de sympathie pour ses actes, et qui approuvent la ligne qu’il a suivie jusqu’à ce jour. Une feuille qui depuis quelque temps s’est vouée à défendre les actes du ministère, a adressé, au sujet des futures élections, une sorte de manifeste aux doctrinaires, et comme une invitation ministérielle de se présenter dans les colléges électoraux, en leur donnant l’assurance que le ministère verra leur élection, non pas seulement sans déplaisir, mais avec une sorte de satisfaction. Quel pourrait être le but de cette agacerie ministérielle ? De calmer les doctrinaires, de les attirer à soi ? Mais ne sait-on pas que la qualité la plus précieuse des doctrinaires est d’être implacables, de ne jamais céder à ceux qui leur tendent la main, et de ne transiger qu’avec une force supérieure à celle dont ils disposent ? Le caractère du parti est si authentiquement établi, qu’on a été tenté de croire que le cabinet actuel tendait vers la doctrine, et se disposait à lui céder la place, — ou du moins quelques places dans le ministère. Il n’en est rien cependant. Assurément, M. Molé, qui a si énergiquement et si noblement lutté avec M. Guizot, et dont la politique s’est de plus en plus séparée, par l’amnistie et par tant d’autres, actes, du système doctrinaire,