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les annales de Rome, comme son ami saint Paulin avait mis en vers l’histoire des rois de Suétone. Mais rien ne ressemble moins à la poésie épique que l’histoire versifiée. Dans tous les temps qui vont suivre, jusqu’au cœur du moyen-âge, on continuera de faire ainsi. Par ce genre de travaux, Ausone et saint Paulin sont moins les continuateurs de Virgile que les devanciers lointains de l’auteur du roman de Brut et du roman de Rou.

On ne saurait non plus s’attendre à rencontrer ici la poésie lyrique. La lyre donne une voix à l’enthousiasme ; mais il faut que l’enthousiasme existe. Pour chanter, il faut avoir quelque chose à dire. Où était l’enthousiasme au temps d’Ausone ? Qu’avait-on à dire, et que chanter ?

Quant au genre dramatique, un seul ouvrage d’Ausone tient du drame, au moins par la forme ; c’est le Jeu des sept Sages. Je le rapprocherai d’un autre ouvrage contemporain et beaucoup plus curieux, le Querolus, sur lequel M. Magnin a publié un morceau très intéressant dans la Revue des Deux Mondes[1]. Je parlerai du Querolus, parce que je crois pouvoir prouver qu’il a été écrit en Gaule ; mais il faut dire auparavant quelques mots de l’état du théâtre au ive siècle.

La comédie et la tragédie étaient à peu près mortes. Ce qui avait remplacé les genres élevés de la littérature dramatique, c’étaient les genres populaires, les mimes et les pantomimes. La pantomime surtout fit fureur dès les premiers temps de l’empire. On voit, par les poésies d’Ausone, quelle était la vogue et la puissance de la saltation, que les Grecs appelaient orchèse ; on représentait par cette saltation les sujets qu’elle semblait le moins faite pour exprimer, non seulement la fuite de Daphné, mais la pétrification de Niobé. On disait danser la Niobé[2].

Ausone a rendu par un vers énergique les ressources de cet art. Érato, dit-il, danse du pied, du corps, du visage[3]. C’était bien autre chose que la pantomime de nos ballets.

Le Jeu des sept Sages d’Ausone est plutôt un dialogue qu’un drame. Chacun des sages de la Grèce paraît à son tour, énonce en grec une maxime et la développe en latin. Cette composition pédantesque était

  1. Livraison du 15 juin 1835.
  2. Saltare Nioben.
  3. Saltat pede, corpore, vultu.