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AUSONE ET SAINT PAULIN.

cependant destinée à la représentation. On le voit dès les premiers vers : « Les sept sages auxquels l’antiquité a donné ce titre, et que l’âge suivant n’en a point dépouillés, paraissent aujourd’hui sur le théâtre, revêtus du pallium[1]. »

L’antiquité est opposée à l’âge suivant. Ausone est déjà pour lui-même un moderne.

Les vers qui suivent marquent très nettement la différence des mœurs romaines et des mœurs grecques par rapport au théâtre. La fierté romaine le considérait toujours avec un certain mépris. Les Grecs étaient exempts de ce préjugé, à tel point que Sophocle, après avoir rempli diverses charges publiques, paraissait dans les chœurs de ses pièces, et que le théâtre servait pour les assemblées politiques.

Aussi, Ausone dit, dans son prologue : « Pourquoi rougis-tu, ô Romain qui portes la toge, de ce que ces hommes illustres vont paraître sur la scène ? C’est une honte pour nous ; ce n’en est pas une pour les Athéniens, chez lesquels le théâtre tient lieu de curie… Il en est de même dans toute la Grèce. »

Puis vient une histoire abrégée du théâtre chez les Romains, — assez instructive et assez déplacée. — L’auteur du prologue a raison d’ajouter : « Mais pourquoi tout cela ? je ne suis pas venu ici pour vous exposer ce qu’est le théâtre, ce qu’est le forum. » Il aurait dû s’en aviser plus tôt ; mais la prétention à la science se retrouve partout.

Le prologue terminé, et après qu’un comédien a fait une courte dissertation sur les maximes qu’on va entendre, Solon paraît le premier et parle très longuement. Après lui s’avance le Spartiate Chilon, qui est, au contraire, très bref, et qui exprime d’une manière assez comique l’impatience que lui a fait éprouver la durée du discours de Solon : « J’ai mal aux yeux, dit-il, à force de regarder, et mal aux reins à force d’être assis, en attendant que Solon eût fini de parler. »

Chilon est le personnage bouffon de la pièce, le gracioso. Si elle ressemble à quelque chose, c’est aux moralités du moyen-âge. Remarquons qu’elle est intitulée le Jeu des sept Sages. Ce nom de jeu a été donné aussi à quelques-unes des plus anciennes compositions dramatiques en langue vulgaire : le Jeu de Robin et de Marion. Par ce titre, les derniers efforts où s’épuise le drame ancien se rattachent aux premiers essais du drame moderne.

Un ouvrage dramatique, plus amusant et plus important tout en-

  1. Palliati in orchestrum prodeunt.