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VOYAGE DU DUC DE RAGUSE.

trouvé le moyen de l’atteindre, quelle qu’elle soit. Tel est le système qui a exagéré le monopole et le despotisme au-delà de toute mesure.

Sans doute, l’autorité du pacha était nécessaire pour introduire et faire prospérer la nouvelle culture ; mais Méhémet-Ali eût dû admettre les cultivateurs au partage d’une portion des avantages qu’il en retire, en leur payant à un prix plus élevé les denrées qu’il en reçoit. Cette solidarité dont nous avons parlé ruine le cultivateur et n’enrichit pas l’état ; elle a arrêté l’accroissement de la production en détruisant tout intérêt de travail et de plus-value. On conçoit que Méhémet-Ali, obligé à d’énormes dépenses, demande le plus d’argent possible à des moyens extraordinaires ; mais, à force d’avoir voulu grossir la source de ses richesses, il court le danger de l’avoir tarie lui-même.

Au-delà du Caire commence une autre Égypte, celle de la primitive histoire et des anciens jours. On laisse derrière soi la civilisation nouvelle avec ses richesses et ses produits, et les pyramides, qui, du Caire, vous apparaissent dans toute leur gloire, vous dénoncent que vous mettez le pied dans un autre monde. Quand vous marchez sur elles, on croirait qu’elles s’abaissent et que leurs dimensions s’amoindrissent ; mais cette illusion n’est que passagère, et quand vous les touchez, elles se dressent devant vous comme un géant de pierre, qui vous accable de son immensité.

Les pyramides ont été visitées et fouillées tour à tour par les divers conquérans de l’Égypte, par les Perses, les Grecs, les Romains et les Français. Les dégradations que ces monumens ont subies sont l’ouvrage des hommes beaucoup plus que celui des siècles. La seconde pyramide, qui est à peu près de la même grandeur que la première, a été ouverte par Belzoni. Comme dans la première, des couloirs rapides et étroits conduisent à une chambre sépulcrale où se trouvait un sarcophage dont le couvercle était brisé. Il renfermait des ossemens que l’on a jugé être ceux d’un bœuf, ce qui autoriserait à penser que le dieu Apis partageait quelquefois avec les rois d’Égypte la gloire d’avoir une pyramide pour tombeau. La troisième est d’une dimension beaucoup plus petite ; mais les matériaux qui ont servi à l’élever sont aussi beaux que ceux de la grande. Près de la seconde pyramide, dite de Céphren, étaient des constructions étendues qui appartenaient à un temple. À peu de distance et tout autour il y a encore plus d’une centaine de petites pyramides, dont plusieurs sont debout, d’autres renversées sur le sol. Toute la surface est couverte de tombeaux ruinés, et la montagne a été percée de puits