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qui servaient aux inhumations. C’est comme une immense ville de morts qui a recueilli les générations accumulées de la population de Memphis.

Après s’être donné le spectacle des Pyramides, le voyageur s’embarqua au village de Bedreqin pour remonter le fleuve. Il avait un grand désir de visiter le Fayoum, province séparée de la vallée du Nil, et pays à part ; mais le canal qui devait l’y conduire n’était pas praticable par la baisse des eaux, et sur terre la rupture d’une digue interrompait toute espèce de communication. Il fallut renoncer à cette excursion et se contenter de renseignemens que le duc de Raguse a lieu de croire fort exacts. On peut regarder comme certain que le Fayoum a été un désert aride jusqu’au moment où le roi Moéris fit exécuter les travaux nécessaires pour y conduire les eaux du Nil. Il n’a pas creusé un lac, mais ouvert un chemin par lequel les eaux sont venues remplir le bassin qu’avait disposé la nature. C’est cette plaine inclinée, connue anciennement sous le nom de Nome d’Arsinoé, qui compose le Fayoum actuel, dont la fertilité est la même qu’autrefois.

La Haute-Égypte fertile est, pour les trois quarts au moins, placée sur la rive gauche du Nil. Beny-Soueyf est bâtie de ce côté. Cette ville, dont l’aspect est fort agréable, est le point d’embarquement des produits du Fayoum. Elle a une manufacture de toile de coton qui compte neuf cents ouvriers. Au village de Niagara, le maréchal vit fuir devant lui la population : le pavillon turc de ses barques l’avait fait prendre, lui et ses compagnons, pour des agens du pacha qui venaient exécuter des levées de soldats, tant le recrutement inspire de terreur, car il s’empare arbitrairement de tous les hommes qu’il rencontre ; c’est une guerre, et c’est en faisant des prisonniers qu’on livre au pacha les levées dont il a besoin.

Au-dessus de Minieh, ville assez considérable où réside un Mamour, on commence à trouver la culture des cannes à sucre exécutée en grand. Montfalout est la résidence d’un Nazer. À ce point, la vallée du Nil s’élargit, les deux chaînes s’éloignent, et elle devient très belle. Syout, dont les environs sont aussi très rians, est journellement le théâtre d’un acte horrible qu’un usage barbare et une jalousie effrénée ont consacré pour la sûreté des harems. Trois cents individus mutilés en sortent chaque année, et ce sont des moines cophtes qui font ces eunuques.

Au-delà de Syout, la chaîne arabique se rapproche de nouveau du fleuve, et devient plus haute et très escarpée ; elle s’éloigne quelquefois, mais revient promptement. En face de la magnifique île d’Aoui,