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VOYAGE DU DUC DE RAGUSE.

cinq ans après sa fondation[1], demeure le plus long-temps possible sous la consécration et l’autorité de l’islamisme.

Mais, enfin, dans la prévision d’un dénouement inévitable sur les rives du Bosphore, n’avons-nous pas de brillans dédommagemens dans notre contact avec la race arabe, et dans notre position sur la Méditerranée ? Le traité de Rustaich, dans lequel sont intervenues les puissances de l’Europe, a fait entrer Méhémet-Ali dans le droit public européen, en le reconnaissant comme grand feudataire de l’empire ottoman. L’Égypte jouit maintenant d’une certaine indépendance légale. C’est donc à Alexandrie et au Caire qu’il faut reporter la prépondérance française qui régna si long-temps à Constantinople. Si le Turc apathique doit subir un jour le joug du Russe, l’Arabe intelligent doit devenir l’ami constant du Français, et de cette façon le monde politique aura son contre-poids. Voilà pourquoi la régence d’Alger nous est indispensable : il n’y a pas là de fantaisie, mais nécessité. Croit-on que, sans Sébastopol et la Crimée, la Russie serait puissante à Constantinople ? Nous ne pouvons être vraiment écoutés à Alexandrie, que si nos vaisseaux remplissent les ports d’Alger, de Bone et d’Oran.

Soutenir l’empire turc le plus long-temps possible, montrer à la race arabe que son meilleur allié, dans l’Occident, est le peuple et le génie de la France, exercer une grande autorité morale en Égypte, une domination réelle en Afrique ; voilà, pour ce qui regarde l’Orient, le thème de la politique française. Ces intérêts, bien que leur théâtre soit lointain, n’en ont pas moins une réalité très positive. La France doit toujours songer à l’Orient, Orientem componi, suivant l’expression de Tacite.


Lerminier.
  1. Histoire de l’Empire ottoman, par M. de Hammer, t. ii de la traduction française.