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REVUE. — CHRONIQUE.

Russie, dont la malveillance est trop notoire ; mais l’Autriche, qu’on devrait croire moins passionnée, plus raisonnable et plus juste, se refuse-t-elle souvent le plaisir de nous harceler, de traverser nos desseins, de réveiller nos inquiétudes ? Ce n’est peut-être pas la faute du chancelier de cour et d’état si Mme la princesse de Metternich promène dans sa voiture, à Vienne, M. le duc de Bordeaux : mais quand nous retrouvons à Athènes, dans les difficultés que rencontre notre service de bateaux à vapeur du Levant, la même main qui nous en suscite de pareilles à Gênes et à Naples, nous ne pouvons croire que M. de Metternich y soit aussi étranger qu’à la promenade du duc de Bordeaux dans la voiture de sa femme. Si l’Autriche exhume tout à coup un projet de nouvelle forteresse fédérale qui sommeillait oublié dans les cartons de la commission militaire de la diète, on ne prétendra pas sans doute que nous devions y voir un témoignage d’amitié, de confiance, de bon vouloir, surtout quand ce projet vient se fixer sur Radstadt, et quand on le fait accompagner de déclarations menaçantes dans les journaux censurés de l’Allemagne.

Nous croyons donc sage et presque nécessaire, dans l’état actuel des choses, de resserrer notre alliance avec l’Angleterre, d’en renouer les fils plutôt épars que brisés, et d’en masquer avec soin les vides et les parties faibles, s’il y en a quelques-unes. Les états, non plus que les individus, ne gagnent rien à s’isoler, et, dans certaines capitales, on nous verrait avec trop de plaisir nous éloigner du cabinet de Saint-James, pour que notre plus grand intérêt ne soit pas de nous en rapprocher. Ce que nous allons dire n’est pas un paradoxe ; mais il nous semble que, pour faire de grandes choses en Europe, nous pourrions d’abord être seuls, tandis que, pour ne rien faire, avec la volonté de ne pas remuer et de respecter ce qui est, nous avons besoin d’être à deux. Nous comptons prouver cela quelque jour. Reprenons, maintenant, notre tour d’Europe.

Le duc Charles de Mecklembourg-Strélitz, président du conseil-d’état du royaume de Prusse et commandant de la garde royale prussienne, est mort, à Berlin, le 21. Ce prince était frère consanguin du grand-duc régnant de Mecklembourg-Strélitz, de la feue reine de Prusse, Louise, envers laquelle l’empereur Napoléon se montra presque cruel, et de la reine actuelle de Hanovre. Il a terminé sa carrière dans une demi-disgrace, par suite de l’opposition violente qu’il avait faite au mariage de la princesse Hélène de Mecklembourg-Schwérin avec le duc d’Orléans, mariage négocié et conclu sous les auspices de la cour de Prusse, malgré tous les efforts du parti contraire à la France. Le duc Charles en était l’âme, et ce fut une opposition toute politique ; car il n’avait, à titre de parent fort éloigné, aucune influence légitime à exercer sur les déterminations de la princesse, de sa mère et de la cour grand-ducale de Mecklembourg-Schwérin. Néanmoins il crut devoir à son nom de ne rien négliger pour empêcher cette alliance, et on lui attribua, vers l’époque où elle se négociait, un mémoire, lithographie à très peu d’exemplaires, contre le projet si chaudement épousé par le roi de Prusse. Ce mémoire a circulé dans la société de Berlin et a provoqué, de