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la part de M. de Kamptz, ministre de la justice, des observations qui ont également circulé en manuscrit et entretenu quelque temps, à Berlin, cette singulière polémique dans la sphère élevée d’une cour. Le mémoire de M. de Kamptz était sec dans la forme, mais, dans le fond, très solide, plein de faits concluans et d’une irrésistible logique. La manière dont la légitimité de la dynastie d’Orléans s’y trouvait établie ne nous paraîtrait peut-être pas très orthodoxe ; mais on ne saurait exiger d’un ministre prussien qu’il reconnaisse bien nettement le principe de la souveraineté du peuple, et, à part le dogme, toutes les questions de fait y étaient victorieusement traitées. L’auteur s’était imposé la tâche de réunir tous les exemples de mariages entre princesses de maisons souveraines par la grace de Dieu, et princes ou familles régnantes par la grace d’une révolution, soit populaire, soit patricienne, soit militaire. L’histoire en présente beaucoup, comme chacun sait ; aussi la liste en est-elle bien longue dans le mémoire de M. de Kamptz. Mais le plus piquant, dans une réponse au duc de Mecklembourg-Strélitz, c’est celui que lui rappelle l’impitoyable publiciste, d’une alliance entre sa tante, Sophie-Charlotte, et le roi d’Angleterre George III, à une époque où vivait encore Charles-Édouard, légitime héritier de droit divin de la couronne enlevée aux Stuarts par la révolution de 1688. Le duc Charles n’avait que cinquante-deux ans et n’était pas marié. Ou doute que sa mort inspire de vifs regrets à la population de Berlin.

Quand donc l’Espagne pacifiée ne nous offrira-t-elle plus d’évènemens à enregistrer, ou plutôt quand est-ce que la guerre civile qui continue à désoler ce malheureux pays et y élargit de jour en jour davantage le cercle de ses fureurs, nous offrira-t-elle quelque évènement décisif, au lieu de cette pénible alternative de demi-victoires et de demi-défaites qui en éternisent les maux ? Au moment où nous formons ces vœux, la fortune semble revenir sous les drapeaux de la cause constitutionnelle. Les troupes de la reine ont remporté sur celles de don Carlos deux avantages assez marqués, et le danger qui avait menacé Madrid pendant plusieurs jours s’en éloigne de nouveau. Mais on ne peut s’empêcher de concevoir les plus sérieuses appréhensions pour le dénouement de cette guerre, en réfléchissant à la grandeur des moyens que le prétendant vient de développer, à l’audace qu’il a eue de s’avancer jusqu’aux portes de Madrid, à la vivacité des sympathies que sa présence a éveillées chez les masses dans toutes les petites villes des environs de la capitale. Il a transporté récemment le théâtre de la guerre dans un rayon très rapproché de Madrid, car les gardes nationales ont fait le coup de feu avec ses avant-postes, la veille de l’arrivée d’Espartero, et quelques jours après, la reine a vu, dit-on, du haut d’un de ses palais, les derniers bataillons carlistes se retirer dans la direction de Guadalajara.

Telles sont cependant les conséquences de la prise de Ségovie par une faible division, qui, commandée par un chef entreprenant et habile, avait passé l’Èbre sans obstacle, traversé la Vieille-Castille sans être inquiété, occupé Saint-Ildefonse et franchi le Guadarrama, pour venir insulter Madrid, grâce à l’inconcevable négligence du ministère Calatrava. C’est