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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/162

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REVUE DES DEUX MONDES.

plus tristes, qu’elles sont quelquefois descendues jusqu’au comique, attestèrent que deux pensées coexistaient au sein de la majorité, non pas hostiles, mais peu sympathiques l’une à l’autre, pensées auxquelles correspondaient deux tendances au sein du pouvoir lui-même.

Il faut bien s’entendre ici, pour demeurer dans la vérité comme dans la justice ; le ministère du 11 octobre était-il partagé, ainsi que certains journaux ont depuis tenté de le faire croire, en tigres et en agneaux, les uns voulant tout fusiller, les autres tout absoudre ; y avait-il dans son sein un parti de la conciliation quand même et un parti de terroristes monarchiques ? L’amnistie, le procès d’avril, les évènemens de Paris, de Lyon, de la Vendée, les grandes questions si vivement controversées en ces temps difficiles furent-elles jamais le champ de bataille de ces deux écoles politiques dont on se complaît à peindre l’une en style dantesque, l’autre en style de bergerie ? Pas le moins du monde. Le plus parfait accord inspira tous les actes majeurs de ce cabinet, et les dissidences intimes qui séparaient ses deux principaux membres portaient bien moins sur les applications actuelles du système que sur ses applications éloignées, et, à bien dire, éventuelles.

L’un s’arrêtait au gouvernement des intérêts, l’autre croyait pouvoir passer au gouvernement des idées ; l’un entendait conserver intégralement à l’industrie et à la petite propriété, récemment élevées à la vie politique, les profits de la révolution de juillet ; l’autre aspirait à se sentir assez fort pour convier aux affaires une autre portion de la société française ; l’un ne voulait pour le pouvoir que des instrumens habiles, l’autre désirait lui associer des instrumens considérables ; l’un s’appuyait en face des mauvais vouloirs de l’Europe sur la date de 1830, l’autre aspirait à l’effacer, croyant faire disparaître ainsi ces mauvais vouloirs eux-mêmes ; tous deux acceptaient le système général de paix, mais celui-ci faisait de l’ordre européen et des traités de 1815 la base même de sa doctrine, celui-là la subissait comme une nécessité purement transitoire. L’un, par la nature de son esprit et de ses études, tendait à isoler la politique française des transactions étrangères, pour reporter le plus possible toute la force gouvernementale à l’intérieur ; l’autre procédait au contraire du dehors au dedans, et semblait attendre avec une sorte d’anxiété inquiète le moment de consolider le gouvernement de 1830 par une politique de hardiesse et d’entreprise ; en un mot, celui-ci était doctrinaire, et celui-là ne l’était pas.

On sait comment ce cabinet se maintint aux affaires dans les cir-