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LE LÉZARD DE SAINT-OMER.

se rendit près des magistrats, qui étaient en ce moment même réunis en conseil et tout aussi embarrassés de leur côté que lui l’était du sien. Mais, par le plus grand des hasards, il se trouva que les deux affaires pouvaient s’arranger mutuellement.

On avait jugé depuis quelque temps un gentilhomme, cadet de grande maison, dont l’industrie pendant bien des années avait consisté à rançonner les voyageurs et principalement les marchands de Saint-Omer. On ne pouvait lui reprocher aucun meurtre ; mais il était dangereux de lui résister, et plusieurs de ceux qui l’avaient tenté avaient été blessés grièvement.

La ville enfin s’était vue dans la nécessité de lever des troupes contre ce brigand, et on était parvenu à le prendre avec quelques-uns de ses compagnons. Les autres étaient morts en se défendant.

S’il avait lui-même succombé dans la bataille, tous ses parens en auraient été ravis ; mais ils ne pouvaient supporter l’idée de le voir périr sur un échafaud, en vertu d’un jugement rendu par de minces bourgeois, et ils le redemandèrent avec hauteur. Céder à une prière accompagnée de menaces, était chose honteuse pour la ville ; y résister, c’était prendre un parti hasardeux, car on avait affaire à une famille puissante, alliée à tout ce qu’il y avait de grandes maisons dans le pays.

C’était pour prendre une détermination à ce sujet que le conseil s’était assemblé. On était déjà à peu près convenu qu’on surseoirait à l’exécution du jugement, et qu’ensuite on ménagerait au coupable une occasion de s’échapper. Il fallait toutefois qu’il consentît à profiter de cette occasion ; car, sachant les démarches que faisait sa famille, il se regardait déjà comme sûr de la vie, et il était assez téméraire pour rester, afin de mettre les magistrats dans l’embarras.

— J’ai un parti qui sauve toutes les difficultés, dit en rentrant dans la salle du conseil un des échevins auquel l’abbé venait de conter les évènemens de la nuit. Il s’offre une expédition périlleuse ; confions-la au chevalier Wolfskruyt. S’il y succombe, nous serons délivrés de lui sans que ses parens nous puissent demander compte de sa mort ; s’il réussit, nous trouverons dans le service qu’il aura rendu un prétexte honnête pour l’acquitter.

L’échevin entra alors dans les explications nécessaires, et il n’eut pas de peine à faire adopter son avis. Il ne fut pas aussi facile de déterminer le chevalier ; du moins il fit mainte objection au greffier qui vint lui proposer ces conditions.

— Je ne puis que perdre à ce marché, disait-il. Si c’est à des diables