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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/228

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REVUE DES DEUX MONDES.

flement ou plutôt le bruit d’un souffle très fort se fit entendre, et il sortit du trou une vapeur empestée.

On avait vu briller dans l’ombre quatre points enflammés, mais qui s’étaient sur-le-champ obscurcis.

La dalle écartée, on aperçut une sorte de chemin souterrain qui descendait par une pente peu rapide et semblait se prolonger fort loin ; d’ailleurs il était trop tortueux pour que le regard ou le trait d’une arbalète en put sonder la profondeur.

— Jusqu’où faudra-t-il aller chercher les coquins ? dit à demi-voix Wolfskruyt.

— Les chercher ! reprit brusquement l’homme qui portait d’ordinaire la parole, quand la bande avait quelque chose à objecter aux propositions du chevalier ; les chercher ! et par où, s’il vous plaît ? Certes, ce n’est pas là un chemin fait pour des chrétiens !

— Ni par des chrétiens, camarades ; aussi allons-nous les traiter en francs hérétiques, avec la poix et les fagots.

Donné ainsi gaiement, l’ordre fut exécuté sans murmures, et l’orateur de la troupe fut tout le premier à lancer, au fond de l’antre, une bourrée enflammée. Bientôt il y eut un énorme brasier ; mais si les assiégés devaient souffrir du feu, les assiégeans, de leur côté commençaient à être fort incommodés de la fumée, et bientôt, pour n’être pas suffoqués, ils se virent contraints à faire leur retraite.

Cependant le feu continuait, et, comme on en observait de loin les progrès, on vit tout à coup les charbons ardens s’agiter et sortir précipitamment un grand animal, le même que Wolfskruyt avait entrevu cette nuit, et qu’il reconnut maintenant pour un immense lézard. Ce n’est pas tout, derrière cette bête en venait une autre non moins étrange par sa taille, car pour les formes elles étaient bien connues : c’étaient les yeux saillans, le large ventre, les pattes courtes d’un crapaud ; mais ce crapaud était large comme l’écu d’un homme d’armes, son dos était gonflé, et sa peau, noircie par le feu, fumait comme le fer rouge qu’un forgeron éteint dans l’eau.

— À ce traînard ! cria Wolfskruyt, et que tous les coups portent.

Tous les coups portèrent, en effet ; mais, percé de six carreaux, l’animal ne s’arrêta pas, et il s’alla rencoigner dans l’angle le plus obscur de la salle. Les traits lancés par les arbalètes vinrent bientôt l’y frapper. Tourné vers les assaillans, il les regardait avec des yeux enflammés, il soufflait violemment, s’élevait sur ses pattes informes, et continuait encore à gonfler son corps qui paraissait près d’éclater.