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LE LÉZARD DE SAINT-OMER.

Une troisième volée cependant le fit retomber sur le ventre, et, après s’être débattu quelques instans, il resta pour toujours immobile.

Restait le lézard, qui ne promettait pas une victoire aussi aisée, car il était armé de pied en cap, et son harnais, comme on ne tarda pas à le reconnaître, était à l’épreuve du trait. Il occupait aussi un des angles du fond de la salle, et il s’y était tenu en repos tant que l’attaque n’avait été dirigée que contre son allié. Mais à peine eut-il senti le choc des premiers carreaux, qui tous d’ailleurs rebondirent sur ses écailles, qu’il commença à donner des signes de la plus violente colère. Il battait la terre de sa queue, soufflait avec violence, piétinait, se cabrait, et semblait à tout instant prêt à s’élancer sur ses agresseurs. Cependant il n’avait pas encore quitté son fort et déjà on parlait de l’y aller relancer, lorsqu’un trait venant à l’atteindre dans l’œil, la douleur acheva de le rendre furieux, et il se précipita vers ses ennemis.

Si Wolfskruyt avait senti à ses côtés un seul homme d’un courage égal au sien, il eut attendu le monstre de pied ferme ; mais tous ses gens avaient fui, et il entendait derrière lui le bruit confus de leurs pas qui retentissait comme le roulement d’un tonnerre dans les longs corridors. — Où courez-vous, lâches ? cria-t-il ; et cependant il courait lui-même de manière à les avoir bientôt rejoints, lorsqu’il vit tomber devant lui, non un de ses compagnons, mais un moine, dont les pieds s’étaient embarrassés dans les plis de sa longue robe. Ce moine, c’était Anselme, qui, troublé de noirs pressentimens, avait voulu se tenir près du lieu du combat pour pouvoir, au besoin, assister le chevalier et l’aider à bien mourir.

Wolfskruyt avait passé outre ; un mouvement généreux le ramena. Il était temps ; le monstre arrivait, et il se rua en aveugle sur l’épieu que lui opposait le chevalier. L’épieu se rompit de la violence du choc ; mais l’animal fut arrêté tout court. Blessé au museau, il se dressa sur ses pieds comme un cheval qui se cabre, et il allait retomber de tout son poids sur son ennemi désarmé, quand l’intrépide Wolfskruyt s’élança vers lui, le saisit au corps et le serra étroitement dans ses bras.

Ils vinrent à terre en même temps sans se séparer, et sans pouvoir se nuire. Cette horrible lutte cependant ne fut pas de longue durée, car le chevalier étant parvenu à saisir sa dague, en frappa le monstre sous l’aisselle ; la dague entra jusqu’à la garde.

Le coup était mortel, et le chevalier s’en aperçut bientôt, mais il se hâta trop de lâcher prise ; au moment où il se relevait, l’affreux