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grande pour qu’on en fît l’objet d’un enseignement public. Il n’y avait point encore une science bien arrêtée ; de nombreuses modifications aux opinions adoptées provisoirement devaient résulter, sans doute, des travaux des recherches qui se continuaient chaque jour ; mais des bases étaient posées, la langue égyptienne était reconnue comme seul moyen d’interprétation. Si les rapports des écritures avec elle devaient encore, long-temps peut-être, laisser des doutes, des incertitudes sur divers points, cette langue du moins donnait lieu elle-même à un enseignement tout-à-fait positif ; une chaire fut donc instituée à côté des riches collections égyptiennes du Louvre et de la Bibliothèque du Roi, et pour servir de complément à ces collections.

Un cours d’archéologie grecque et romaine existait déjà comme annexe du cabinet des antiques ; un cours d’archéologie égyptienne fut fondé au Collége de France, et M. Champollion dut prendre pour objet de son enseignement la langue égyptienne et ses rapports avec les anciennes écritures.

Dans les études qui ont pour objet les sociétés grecque et romaine, la langue est exclue du cadre de l’archéologie. Les nombreux écrits qui sont venus jusqu’à nous servent de base à cette science, mais leur interprétation constitue une science tout-à-fait différente. Il n’en est point de même pour les études relatives à l’Égypte ; qui dit archéologie égyptienne, ne dit pas autre chose, du moins quant à présent, que science de l’interprétation des écritures dont faisaient usage autrefois les habitans de la vallée du Nil, c’est-à-dire connaissance de la langue égyptienne et de ses rapports avec les caractères, soit écrits, soit sculptés, qui recouvrent tous les antiques débris dont est jonché le sol de l’Égypte, depuis l’objet de la plus petite dimension jusqu’aux constructions les plus gigantesques.

« M. Champollion exposera les principes de la grammaire égyptienne-copte, et développera le système entier des écritures sacrées, en faisant connaître toutes les formes grammaticales usitées dans les textes hiéroglyphiques et hiératiques. » Tel était le programme du cours d’archéologie ; et ce programme, commentaire contemporain de la fondation, fixe le sens dans lequel se trouvait pris, par le fondateur, ce mot si vague, si élastique, archéologie. Il n’était pas possible d’ailleurs, dès qu’on l’appliquait aux études qui ont l’Égypte pour objet, il n’était pas possible, nous l’avons déjà dit, de l’entendre autrement, et nous allons voir que c’est ainsi qu’il a été entendu de tout le monde, pendant les cinq années qui ont suivi l’institution de la chaire nouvelle.

Ce fut le 10 mai 1831 que M. Champollion prononça le discours d’ouverture. Tous les faits nouveaux dont les études égyptiennes devaient enrichir les sciences historiques furent par lui signalés, puis il termina de la sorte : « D’aussi importans résultats ne sauraient acquérir leur poids et toute leur certitude que de l’intelligence réelle des innombrables inscriptions sculptées ou peintes sur les monumens égyptiens, et l’étude de la langue parlée doit précéder celle des textes où elle est employée. Ce sera donc par l’exposé approfondi des principes de la grammaire égyptienne et des signes qui leur sont propres, que nous commencerons des leçons d’où leur sujet même doit bannir tout ornement, etc. » Après trois ou quatre leçons, le cours fut interrompu par suite de l’état de souffrance du professeur. Le mal ne tarda point à s’aggraver ; l’interruption, qui semblait ne devoir être que de courte