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pression de leur code criminel et l’application de la loi anglaise. Ils eussent voulu briser l’arme qui bientôt devait servir à les frapper. Muir, le premier, organise à Édimbourg des sociétés politiques où s’enrôlent en grand nombre les partisans de la réforme. Pendant les vacances des tribunaux, il court d’Édimbourg à Glasgow, qu’il veut convertir à la nouvelle foi. Glasgow n’était alors qu’une ville de quarante mille habitans. Ce n’était pas, comme aujourd’hui, une immense manufacture habitée par plus de deux cent mille ames, l’un des principaux et peut-être des plus redoutables centres de la démocratie anglaise. Mais si cette ville ne renfermait pas, comme de nos jours, une innombrable population d’ilotes, le caractère de ses habitans était remuant, comme il l’a toujours été ; aussi Thomas Muir y trouva-t-il de nombreux auxiliaires. Ses pamphlets, ses prédications éloquentes dans les meetings, ses démarches incessantes, l’affabilité de ses manières, l’irréprochable pureté de ses mœurs, l’estime universelle dont il jouissait, et, par-dessus tout, l’influence contagieuse de son amour pour la liberté, gagnaient tous les cœurs à sa cause, tous les esprits à ses doctrines. Grâce à son active propagande, le parti de la réforme compta bientôt, dans l’ouest et dans le sud de l’Écosse, des milliers d’adhérens. Glasgow, Dumfries, Ayr, Lanark, étaient les centres d’affiliations qui couvraient le pays comme un vaste réseau.

On comprend aisément quelles devaient être les terreurs du pouvoir à la vue d’une si formidable organisation. Les tories écossais, qui avaient à leur tête le célèbre Henry Dundas, secrétaire d’état, gouverneur de l’Écosse, et Braxfield, lord de justice, serraient leurs rangs et faisaient face à l’ennemi. Comme leurs chefs étaient résolus, ils eussent volontiers commencé l’attaque ; mais comment agir contre ces sociétés que couvrait une apparence de légalité ? Ils voyaient l’imminence du péril, et ils attendaient.

Thomas Muir, de son côté, quelque confiant qu’il fût dans l’excellence de sa cause et dans la force de son parti, comprenait les dangers de sa situation. Il avait dans les mains une arme redoutable, mais dont il était difficile de se servir. L’union fait la force. Muir sentait toute la vérité de cet axiome à la portée des politiques les plus vulgaires. Que pouvaient les sociétés écossaises livrées à elles-mêmes ? Peu de chose. Réunies aux sociétés de l’Angleterre et de l’Irlande, leur influence devenait immense. Une fois les sociétés écossaises organisées, Muir, en dépit de quelques jalousies locales, s’efforce de hâter cette réunion nécessaire. Dans ce but, il propose aux sociétaires des dif-