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RÉFORMISTES D’ÉCOSSE.

rare à tout apprendre, et y avait obtenu de brillans succès ; mais ce qui, plus encore que sa facilité, l’avait fait remarquer de ses supérieurs, c’était sa fierté d’ame, son indépendance d’esprit et son indomptable caractère. Dans Muir enfant on aurait pu retrouver, en effet, l’apôtre d’une croyance nouvelle, le chef de parti ; l’anecdote suivante en donnera la preuve[1].

Anderson, le fameux professeur de philosophie naturelle à Glasgow, l’homme qui a laissé un souvenir impérissable en fondant dans cette ville l’institution qui porte son nom, Anderson était connu par des opinions fort avancées pour son temps, opinions analogues à celles des réformistes dont il fut un des précurseurs. Dans une de ses leçons, l’audacieux professeur s’était hasardé à faire une exposition de ses principes ; il fut suspendu de ses fonctions. Anderson était adoré de ses élèves, qui, la plupart, étaient convertis à ses doctrines. Muir surtout était un de ses disciples les plus assidus. Muir, indigné de la suspension de son professeur, ne se borne pas à murmurer comme ses camarades ; il les rassemble dans l’une des cours du collége et les harangue avec chaleur ; mais, au beau milieu de son discours, des agens de l’autorité accourent et s’emparent de l’orateur. Anderson triompha de ses ennemis, et fut réintégré dans sa place ; mais on voulut faire un exemple sur le jeune chef des rebelles. Ce fut sans doute pour échapper au châtiment qui le menaçait que Muir quitta l’université de Glasgow, renonça à l’étude de la théologie, et vint suivre à Édimbourg celle du droit. Il avait étudié pour être ministre, il devint avocat ; néanmoins son esprit conserva toujours le tour religieux que lui avaient donné ses premières études.

Thomas Muir se fit remarquer dans sa nouvelle profession par sa connaissance du droit dans un pays où le droit est une science fort obscure, et par son éloquence vive et entraînante.

Muir était avocat depuis plusieurs années, et avait acquis une grande réputation, quand arriva la crise de 1792. Muir avait embrassé avec chaleur la cause de la liberté. Son ardeur et son zèle étaient grands, car il s’agissait de répandre des doctrines pour lesquelles, encore enfant, il avait souffert la persécution. On était las des élections corrompues, des longs parlemens, dans lesquels on ne voyait que des instrumens d’oppression, et le mot d’ordre des réformistes, alors comme aujourd’hui, était la réforme électorale et les parlemens triennaux. Les Écossais réclamaient, en outre, la sup-

  1. Life of Thomas Muir, by Peter Mackenzie, of Glasgow. — Memoirs and Trials of the political martyrs of Scotland, Edinburgh, 1857. Tait’s Edinburgh Magazine, 1837.